Patty et Walter Berglund, ainsi que leurs enfants Jessica et Joey, font jaser le voisinage de la petite ville où ils se sont installés pour mener une vie idéale. Ils sont presque trop parfaits. Mais ce vernis va se dissoudre quand les enfants seront en âge de quitter le nid. Plus particulièrement Joey, qui décide de rompre brutalement les liens trop fusionnels avec sa mère. Ce sera le début de la dérive pour Patty, sa famille et son couple.

Avec l'humour qu'on lui connaît, cependant moins acide que dans Les Corrections, Jonathan Franzen dresse non seulement le portrait d'une famille traversée par des désirs contradictoires, mais celui d'une époque qui n'a rien de rassurent. Le mot liberté parsème effectivement le roman de bout en bout, sans qu'on ne puisse jamais en saisir le sens. C'est la liberté de se réinventer pour Walter et Patty, qui ont connu des enfances difficiles, mais le passé les rattrape. C'est Joey qui veut voler de ses propres ailes et faire fortune dans la vente d'armes en Irak, avant que sa conscience ne le rattrape. C'est Walter, qui accepte des compromis douteux pour ses grandes ambitions écologiques. C'est Richard, le meilleur ami de Walter, qui finit par connaître la gloire comme musicien, mais à quel prix? On ne se libère pas de ce qu'on a été, ni des liens qu'on a tissés au fil d'une vie sans perdre le sens même de cette vie. Mais, il est vrai, «des erreurs ont été commises», comme l'écrit Patty dans son journal...

Jonathan Franzen nous convie à une formidable expérience littéraire avec Freedom, dont la structure complexe et les ambitions n'empêchent en rien un plaisir de lecture proche du «page turner». Au terme de 718 pages, nous sommes tristes de quitter cette famille de névrosés, peut-être parce qu'au bout du compte, nous en faisons partie.

Freedom

Jonathan Franzen, Boréal, 718 pages

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