Le premier ministre Stephen Harper ne bénéficiera plus des suggestions littéraires de l'écrivain canadien, Yann Martel.  

Ce dernier a décidé de cesser d'envoyer au premier ministre un livre tous les 15 jours, comme il le fait depuis avril 2007. Au total, le chef du gouvernement canadien aura reçu 100 bouquins.

Pourquoi cesser maintenant? «Parce que le numéro 100 est un beau chiffre rond et parce que je voulais passer à autre chose», a expliqué M. Martel en entrevue à La Presse Canadienne.

«J'ai quand même autre chose à faire dans ma vie», a renchéri l'auteur, qui soutient avoir dit ce qu'il avait à dire sur les habitudes de lecture du premier ministre. De plus, Yann Martel, qui sera papa pour la deuxième fois, veut se concentrer sur l'écriture de son nouveau roman.

L'écrivain a choisi, comme dernière suggestion littéraire la pièce Incendies, de Wajdi Mouawad. Mais ce n'est pas la nomination du film de Denis Villeneuve -inspiré de la pièce et portant le même nom- aux Oscars qui a incité M. Martel à acheminer la pièce à Stephen Harper puisque cette sélection n'était pas encore dévoilée.

«Je cherchais quel livre je pourrais lui envoyer (...) et je me suis dit  tiens, il est parfait, il est brillant en premier lieu et deuxièmement, c'est un Canadien typique d'origine libanaise très engagé», a expliqué l'auteur du roman Histoire de Pi qui lui a valu le prix Man Booker en 2002.

Dans sa bibliothèque, Stephen Harper aura l'embarras du choix puisque Yann Martel a diversifié le type d'ouvrage qu'il lui acheminait. Ainsi, le premier ministre a notamment eu droit à de la poésie, des classiques universels, de la littérature étrangère, des bandes dessinées et des auteurs canadiens.

Selon l'auteur, si le premier ministre Harper avait une culture littéraire plus élaborée, il ne chercherait pas à couper les vivres au milieu des arts. «Je trouve ça effarent d'avoir un premier ministre qui ne se sert jamais de la littérature comme outil de réflexion», a soutenu M. Martel.

L'écrivain affirme que le premier ministre ne lui a jamais répondu. Il énumère d'ailleurs une liste d'hypothèses expliquant le silence de M. Harper. «Arrogance ? Principes mal placés ? Manque de sérieux intellectuel?», s'interroge-t-il.

Quoiqu'il en soit, Yann Martel n'a reçu que sept accusés de réception rédigés par des membres de son équipe. Est-ce un échec? Non, répond l'auteur. Selon lui, le recueil des lettres acheminées avec les livres témoignera de sa démarche et ce, éternellement.

«La classe politique change, ce qui reste c'est ce qu'on dit d'eux dans les livres, alors mes lettres vont durer et encore plus, les livres dont je parle vont durer».

«Les livres sont patients...», a conclu M. Martel, dont le nouveau roman, «Les hautes montagnes du Portugal» mettra en scène des animaux pour discuter du rôle des «grands enseignants» dans la vie des individus.