Depuis 18 ans, Max et Lili découvrent la vie. Leur créatrice, Dominique de Saint Mars, était de passage à Montréal pour le Salon du livre. Nous l'avons rencontrée pour discuter d'humilité, de philosophie et de l'importance de la rigolade.

Récemment, Lili a eu peur de la mort, s'est fait piéger sur l'internet, a réclamé un téléphone portable et a entrepris, avec son frère Max, «d'éduquer» ses parents.

Voilà quelques-uns des thèmes abordés par la collection Max et Lili, aux éditions Calligram, une série qui compte aujourd'hui 95 titres.

Officiellement, ce sont de drôles de bandes dessinées pour enfants en format poche. Dans les faits, ce sont de petits manuels propres à démarrer des discussions entre les enfants et leurs parents sur une tonne de sujets légers ou graves, à commencer par les relations familiales. Des livres qui donnent des mots aux petits pour exprimer leurs émotions, et aussi à leurs parents, souvent démunis face à certaines situations.

Or, il n'y a pas de sujet tabou pour Dominique de Saint Mars. Pas de cachotterie non plus. Elle utilise les vrais mots, ne tente pas de donner des leçons, ce qui ne l'empêche pas d'essayer de transmettre des valeurs de tolérance, d'humilité, de compréhension.

«J'essaie de ne pas décevoir les enfants, de voir le monde comme ils le voient. De leur faire comprendre aussi la vision de l'adulte. La grande avancée, c'est de savoir se montrer vulnérable. Donc de dire ce qu'avant, on n'osait pas dire. Et de savoir se mettre à la place de l'autre pour éviter le conflit.»

Le prochain titre, Le tonton de Max et Lili est en prison, parlera du silence, du mensonge. C'est l'oncle qui a un problème avec l'alcool, qui a eu un accident de voiture et a blessé gravement des gens. «Max et Lili vont faire en sorte que le secret ne reste pas secret, et que leur oncle et leur cousine se réconcilient», explique l'auteure.

Le livre le plus difficile? C'est peut-être celui qui n'a pas encore vu le jour. Celui sur la mort de la mère ou celui sur l'homosexualité des parents. «Je ne sais pas encore comment parler de choses crues, comme ça, qui sont un petit peu marginales, qui n'arrivent pas à tous les enfants. Mais bon, j'y arriverai un jour!»

Rien ne la terrifie plus que les enfants tristes, qu'elle croise parfois dans la rue. «Ils sont tristes parce que leurs parents sont stressés. Les parents devraient moins éduquer et plus rigoler avec leurs enfants! C'est pour ça que j'aime bien que mes livres soient drôles. Il faut prendre les enfants au sérieux, mais il ne faut pas être trop sérieux soi-même.» À ce titre, les dessins très expressifs de Serge Bloch, un collaborateur de longue date, ajoutent beaucoup de fraîcheur et d'humour au propos.

Il est souvent question de philosophie aussi dans Max et Lili, comme dans un nombre grandissant de publications pour enfants. L'auteure n'a pas attendu la mode, qu'elle a sans doute contribué à créer. Elle a écrit sur Dieu, l'existence, la mort, la honte, la souffrance. Si elle se réjouit que d'autres lui emboîtent le pas, elle s'inquiète que certains ouvrages soient une source d'anxiété pour les enfants: «Les parents aiment les Max et Lili parce qu'ils savent que même si j'aborde un sujet grave, l'enfant n'en sortira pas anxieux. Peut-être plus intelligent et plus ouvert aux autres, mais pas triste et pas angoissé. Il comprendra mieux les autres et mieux soi-même. C'est ça l'idée: devenir acteur de sa vie.»

En constatant son succès, on lui dit parfois qu'elle a «choisi un beau créneau». Cela l'agace profondément. «Ce n'est pas une question de commerce. J'ai voulu cette collection parce que dans ma famille, j'ai vu mes frère et soeur souffrir quand j'étais petite, à cause du divorce, à cause de plein de choses. Et mes parents ne comprenaient rien.» Elle l'a créée d'abord pour les enfants qui vont mal, comme cette soeur devenue schizophrène, et ce frère qui s'est suicidé à l'âge adulte. Mais les autres enfants n'ont pas besoin d'être en détresse pour s'intéresser au cancer d'un enfant, à la maltraitance ou aux agressions sexuelles. Ainsi, il y a un lien étroit entre son travail d'écriture et son engagement dans l'OEuvre Falret, un organisme français de soutien en santé mentale.

«J'avais envie d'essayer d'apporter une petite brique de compréhension. Max et Lili est aussi fait pour les parents. Je dis toujours aux enfants, apportez-le à la maison, faites-le lire aux parents. Faites-vous poser des questions. Discutez! Riez! Moquez-vous (gentiment) les uns et les autres!»