Y'en aura pas de facile. Il a vraiment besoin de redorer son plastron. On traversera la rivière quand on sera rendu au bout du tunnel. Pour parler hockey, les aphorismes ne manquent pas. Mais qu'arrive-t-il quand de vrais philosophes s'intéressent à notre sport national ? Quelque chose comme La vraie dureté du mental.

«C'est comme embrasser sa soeur.» Voilà ce qu'Eddy Erdelatz, coach de l'équipe de football de la Navy américaine, pensait des matchs nuls. Il se réjouirait sûrement des fusillades dans la LNH. Pas Daniel Weinstock.

Le philosophe les qualifie d'aberration. «C'est une décision parachutée qui change l'issue légitime d'un match. Pourtant, la nulle n'a rien de mal. L'écrivain Adam Gopnik disait ceci au sujet des parties de soccer de 0-0 : "C'est le pointage de la vie". Le résultat est souvent mitigé. Il faut accepter une certaine indétermination. Or, la LNH a perdu cela. Pire, les ligues mineures l'imitent. Par exemple, mon fils n'a jamais vu de match nul», explique le directeur du Centre de recherche en éthique de l'Université de Montréal (CRÉUM) et détenteur de la Chaire de recherche du Canada en éthique et politique.

Dans La vraie dureté du mental, il signe un texte en faveur du retour des matchs nuls. Friedrich Hegel côtoie Sean Avery dans le même paragraphe.

Les 14 autres textes utilisent la métaphysique, l'éthique et l'esthétique pour penser le hockey, le plus souvent de façon ludique. Charles LeBlanc lie l'angoisse de Kierkegaard à celle du gardien de but -ce solitaire masqué qui n'a pas droit à l'erreur». (NDLR: Non, Carey Price ne l'a pas lu.)

Jean Grondin parle de la transcendance et de la méritocratie du hockey, indissociable de notre essence nordique.

Normand Baillargeon s'émerveille quant à lui devant l'esthétique du hockey. Il propose de créer le trophée Orr-Kharlamov pour récompenser le joueur le plus élégant.

Le nationalisme, l'éthique des salaires et des batailles ainsi que la mythologie du hockey figurent parmi les autres thèmes abordés.

Aristote rencontre Homer... Simpson

Il s'agit du premier ouvrage de «Quand la philosophie fait pop», nouvelle collection aux Presses de l'Université Laval. Normand Baillargeon et Christian Boissinot la codirigent. Le prochain portera sur l'humour.

La démarche dépasse le simple souci de vulgarisation. Non seulement les thèses sont simplifiées. Mais en plus, elles s'ancrent dans la culture populaire. «On s'inspire d'un courant qui existe déjà dans le monde anglo-saxon, explique Normand Baillargeon. Ça a commencé vers 2000 avec des titres comme Seinfeld and Philosophy et The Matrix and Philosophy. L'idée, c'était d'utiliser la philosophie pour comprendre la culture populaire, et d'utiliser la culture populaire pour intéresser les gens à la philo.»

On ne compte plus les livres du genre aux États-Unis. L'éditeur Blackwell a même publié Terminator and Philosophy: I'll Be Back, Therefore I Am, et un autre ouvrage sur Metallica, le «groupe de heavy metal pour les penseurs».

Rigoureuse, la philo pop? Baillargeon concède que certains titres sont bâclés. Il reconnaît aussi le danger d'imiter la psycho pop, ce «succédané frauduleux d'une véritable science». Mais cela n'enlève rien à la pertinence de son projet philosophique populaire, soutient-il.

«Simpsons and Philosophy montre que l'exercice peut être réussi. On y expose la conception aristotélicienne de la vie bonne, pour ensuite la comparer à celle d'Homer. C'est amusant et intelligent. Et en plus, ça fait découvrir Aristote.»

Pythagore, ce Mike Tyson

Dans L'apologie de Socrate, Platon écrivait qu'une vie non examinée «ne mérite pas d'être vécue». Mais il semble qu'il n'aurait pas écrit que «le hockey non examiné ne mérite pas d'être joué».

Historiquement, peu de philosophes ont réfléchi sur le sport. Et ce, même si certains étaient sportifs. À commencer par le présumé inventeur du mot «philosophie», Pythagore, champion de toutes les épreuves de boxe aux Jeux olympiques de -552.

Pourquoi? On pourrait accuser le mépris du corps inculqué par la religion. L'explication est facile. Daniel Weinstock en préfère deux autres. D'abord, l'apparition assez récente du sport professionnel organisé, qui s'est développé au milieu du XIXe siècle. Ensuite, un certain élitisme chez les intellectuels. «L'élitisme est bon, tient-il à préciser. Il signifie rigueur et excellence. Mais il contient parfois des effets pervers. C'est le cas de sa vision cloisonnée de la culture, qui distingue la populaire de la haute. Même sur mon étage au département, certains sourcillent à l'idée qu'on écrive sur le hockey.»

Normand Baillargeon, détenteur d'un doctorat en éducation et d'un autre en philosophie, situe la philo pop dans un contexte plus large. «Partout autour de nous, les repères s'écroulent, que ce soit le religieux, le politique ou l'économique. On réalise qu'il y a beaucoup de questions à se poser.»