Quand elle a retrouvé Céline Dion et son entourage en Afrique du Sud pour le début de sa tournée mondiale, Denise Bombardier était paniquée: «Personne ne savait ce que je faisais là et je me demandais comment j'allais m'intégrer là-dedans? Il fallait que je me fasse confiance, mais dans ma chambre, je disais à Jim (son mari): qu'est-ce que je vais faire avec ça?»

Un an plus tard, arrive en librairie L'énigmatique Céline Dion, son regard sur une machine qu'elle a eu le privilège d'observer de l'intérieur. «J'aurais pu écrire un essai théorique sans les voir en action, dit l'auteure qui me reçoit dans son appartement du Plateau. J'aurais pu faire un essai pour les gens qui lisent des essais, mais ceux-là ne veulent pas lire un livre sur Céline Dion. Et je ne suis pas à TVA pour faire confidentiel.»

Denise Bombardier n'était pas une fan de Céline Dion. Elle se décrit comme une observatrice attentive mais réservée même si depuis un an, on lui a reproché de trop étaler son enthousiasme.

«Oui, à certains moments, je n'étais plus réservée, dit-elle. Ça m'épatait tellement! L'important, c'est quand je me suis retrouvée devant ma feuille blanche. Est-ce que je me suis censurée? Est-ce que je me suis interdit de dire des choses de peur de leur déplaire? Non. J'ai dit ce que j'avais à dire, et je vais peut-être avoir l'air très prétentieuse, mais quand on contrôle les mots, quand on sait écrire, on peut tout écrire, tout est dans la façon de le faire.

À force d'observer, d'interviewer Céline et René et de sonder leur entourage, elle trace un portrait différent du couple royal québécois. «Je raconte une histoire qui n'est pas un conte de fées, ce n'est pas le personnage lisse, la petite fille gentille qu'on décrit souvent, dit-elle. Je sais très bien que leur vie privée est une mise en scène, une théâtralisation de leur vie. Mais je ne peux pas aller plus loin sans tomber dans l'interprétation psychanalytique. Moi, ce sont les non-réponses qui m'intéressent le plus, ce que la personne ne dit pas.»

Si elle pose souvent des questions auxquelles elle ne donne pas de réponse, Denise Bombardier n'hésite pas à tirer des conclusions parfois audacieuses. Ainsi, elle lie la déclaration du général de Gaulle, qui a révélé au monde une partie de l'Amérique francophone luttant pour sa survie, à la «fille de Charlemagne», qui, 40 ans plus tard, «reçoit les ovations d'un peuple enfin vainqueur à travers elle».

«Prouvez-moi, dans l'histoire, que Céline Dion n'est pas la seule image d'une victoire totale qui vient du Québec et qui s'est imposée sur la planète, répond-elle du tac au tac. L'enthousiasme débordant au Centre Bell, ce n'était plus un concert. Céline le sent, mais elle ne peut pas le mettre en mots. Moi, j'ai essayé de le faire.»

Denise Bombardier signe des portraits parfois troublants de la chanteuse, de son mari et de leur fils René-Charles. «Le chapitre sur l'enfant, c'était bien sûr un sujet tabou, et je l'ai fait, dit-elle. René-Charles m'émeut tellement, dans sa petite tête d'enfant, il a érigé une barrière invisible entre le public et lui, c'est sa façon de se protéger. C'était difficile parce que je sais la relation fusionnelle entre sa maman et lui, qui reproduit celle entre Céline et sa propre mère. Mais le papa est très présent, c'est un modèle très fort.»

Si son livre donne à lire entre les lignes, mais Denise Bombardier dit qu'elle sait où s'arrêter. «Je ne suis pas une potineuse, se défend-elle. Les gens me demandent s'il y a quelque chose que je leur ai caché. Non, je ne cherchais pas à débusquer des choses et, de toute façon, j'ai la conviction qu'ils n'ont pas de squelettes dans leur placard, mais ce sont des êtres complexes.»

À la fin de son livre, l'auteure remercie Céline Dion qui a été à la hauteur de son mythe. «Céline m'a dit une chose très forte, raconte l'auteure: «Les gens croient que les questions me font peur, mais c'est peut-être mes réponses qui me font le plus peur.» Il y a quelque chose qui m'atteint très profondément, c'est son angoisse. Parce que c'est le moteur de sa vie. Ça me bouleverse de la voir comme ça.»

L'énigmatique Céline Dion sort simultanément en France et au Québec et il sera proposé en traduction aux éditeurs d'autres pays à la foire du livre de Londres la semaine prochaine. Denise Bombardier l'a remis en main propre à Céline Dion et René Angélil la semaine dernière. Mais, insiste-t-elle, elle l'a écrit en toute indépendance et jamais Angélil n'a essayé de savoir ce qu'il contiendrait.

«Il m'est arrivé de me demander pourquoi je me suis mise dans ce stress-là, dit-elle. C'est le livre le plus difficile que j'ai pu écrire parce que je touche à quelque chose de symbolique. D'habitude, j'écris des romans ; le livre sur mes tantes (Edna, Irma et Gloria) j'ai attendu qu'elles soient mortes pour l'écrire. Et quand j'attaque, j'attaque sur des idées, et ceux qui m'attaquent, je m'en fous. Mais là, c'était stressant.»

L'énigmatique Céline Dion,

Denise Bombardier

Albin Michel et XO éditions

232 pages