Hier soir, Diane Tell a fait preuve d'audace en choisissant de bouleverser la stratégie habituelle, c'est-à-dire attaquer la matière d'un nouvel album au début d'un spectacle que l'on conclut généralement par des valeurs sûres.

Ainsi, la première tranche de son nouveau spectacle a été réservée à ses tubes et classiques. D'abord Gilberto, seule à la guitare à cordes de nylon, l'organe vocal en voie d'échauffement. L'accent, lui, avait retrouvé quelques couleurs d'Amérique, a-t-elle fait remarquer avec l'approbation de son public venu remplir L'Astral. Elle a enchaîné avec une chanson interprétée en solo, J'suis mordue de Boris Vian sur une musique de Duke Ellington. Frédéric Beauséjour s'est ensuite joint à elle avec sa contrebasse, on s'est retrouvé Rue d'la flemme.

LG Breton (guitares) et Maxime Lalane (batterie) ont transformé le duo en quartette, c'était Je pense à toi comme je t'aime en mode acoustique. Et c'était idem pour Faire à nouveau connaissance, avec quelques compléments vocaux et synthétiques. On s'est alors mis à taper des mains, on était en terrain vachement connu. Pour l'incontournable Savoir, la formation était presque complète: six accompagnateurs dont le guitariste soliste Bob Champoux, musicien dont on a deviné l'allégeance country-rock. Benoît Sarasin se joindra aux claviers pour la fameuse ballade Si j'étais un homme, le tout coiffé par l'accordéon de François Therrien.

On devinait alors que Diane Tell avait encouragé ses musiciens à ajouter leur touche à chaque interprétation - en bon français, à «jammer les tounes». Même constat de groove pop folk avec une presque bucolique Légende de Jimmy. Pour conclure la première partie, Anodajay, rappeur d'Abitibi comme on le sait, est venu présenter une version hip-hop jazz des Cinéma Bars, l'une des plus anciennes du répertoire de Mme Tell, que cette dernière a reprise en «version fille».

Au retour de la pause, la chanteuse et son band québécois ont pris du muscle, du voltage et du volume. Les guitares acoustiques ont été troquées pour les électriques, le rythme s'est montré plus costaud, les voix plus amplifiées. Rideaux ouverts, album de Diane Tell écrit (majoritairement) de concert avec le confrère abitibien Serge Fortin (qui officiait aussi aux claviers, guitares et choeurs), a été joué dans son intégralité. Le tout coiffé par des rappels classiques et un ultime rap d'Anodajay: Je suis en amour, On a beau, Souvent longtemps énormément... Malgré ce côté bonne franquette, malgré le manque de peaufinage et les erreurs techniques que révèlent les débuts de cycle, ce nouveau contenu a passé la rampe.

La fenêtre de Diane Tell, expatriée depuis de nombreuses années, reste bien ouverte sur son public d'Amérique.