La chanson France Culture du Français Arnaud Fleurent-Didier a eu un tel impact en Europe qu'il en existe déjà une version allemande, une italienne et une... en chinois, moins d'un an après sa sortie. C'est évidemment la version originale en français qu'interprétera l'étonnant auteur-compositeur ce soir, à la belle étoile, ainsi que demain, en première partie de Pierre Lapointe.

Quelque chose de Jérôme Minière qui rencontrerait Pierre Lapointe et Boris Vian, avec des pointes de Jacques Brel, de Gainsbourg et de... Claude François: cet amalgame improbable - et incomplet, en plus - vous donne une petite idée de l'agréable étrangeté et du talent d'Arnaud Fleurent-Didier. «C'est gentil, dit Arnaud Fleurent-Didier au bout du fil, mais sincèrement, si j'ai un héros en musique, ce serait plutôt Morrissey, que j'écoutais beaucoup quand j'étais ado.» D'accord pour Morrissey, mais si ce dernier avait beaucoup parlé de ses parents, des générations qui le précèdent...

Car c'est un des trucs étonnants de cet Arnaud qui mêle chanson à texte, musique de variété française et arrangements électro: plusieurs de ses chansons traitent en profondeur des rapports avec sa famille, très directement, très simplement - et très «émouvament», par moments. «C'est peut-être un des derniers tabous de notre époque, parler de son père et de sa mère, de ses grands-parents, dans une chanson, explique Fleurent-Didier, mais j'avais vraiment envie de parler des préoccupations de mon âge (il aura 36 ans le 26 juin): on se questionne sur ses origines en se demandant si on va, soi-même, fonder une famille.» Comment ses parents ont-ils réagi à la chose? «La médiatisation de France Culture a fait son effet: ils écoutaient beaucoup moins le disque quand je ne passais pas à la télé», répond-il avec humour.

Un autre des trucs frappants de cet Arnaud plus-que-Français (allez jeter un coup d'oeil à sa vidéo France Culture, très Nouvelle Vague), c'est l'éclatement de la forme classique de la chanson: exit la sempiternelle formule refrain-couplet-refrain. Chacun des 11 morceaux de La reproduction a une facture un peu singulière. «Mais ce n'est pas calculé, explique l'auteur-compositeur. La dernière chanson de l'album (la très belle Si on ne dit pas tout, adressée à son père) est en fait la première que j'ai écrite, et c'est la plus classique. Mais comme je travaille la musique et le texte en parallèle (et non l'un après l'autre, comme le font la majorité des auteurs-compositeurs), la musique entraîne parfois les paroles vers une autre forme, puis les paroles à leur tour influent sur la mélodie, qui a son tour change le texte, etc. Comme je travaillais tout seul à mes chansons, sans étiquette de disques, je faisais comme bon me semblait.»

Premiers albums

Fleurent-Didier a effectivement deux autres albums à son actif: un premier album lancé en 2001 avec son groupe Notre-Dame, puis un album solo en 2004, joliment baptisé Portrait du jeune homme en artiste. Non, Fleurent-Didier n'a rien d'un dandy, pensez plutôt hédoniste. Un hédoniste pour qui la chanson est une source infinie de plaisir.

«Prenez une chanson comme France Culture: c'est une chanson sur le malaise générationnel. Dans la version française, je dresse le portrait de la génération de mes parents (celle des baby-boomers), matérialiste, superficielle, individualiste, pas méchante, mais pas si profonde qu'elle le pense. Or, dans la version chinoise, en mandarin, le texte dit exactement le contraire puisque c'est la jeune génération actuelle qui est plus capitaliste, matérialiste et celle des parents qui est plus près des valeurs traditionnelles... C'est fascinant: en disant exactement le contraire, les deux versions parlent du même problème entre les générations! En plus, au départ, France Culture, c'est une fausse chanson: c'était deux pages remplies de textes échevelés que je disais de ma voix bizarre sur un instrumental! Je dois beaucoup au mixeur de mon album (Stéphane Briat), c'est grâce à son acharnement si elle existe.»

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Arnaud Fleurent-Didier, ce soir, sur l'esplanade de la PDA, à 21 h, et demain, en première partie de Pierre Lapointe, au théâtre Maisonneuve, à 20 h.