Thomas Fersen et Fred Fortin forment une paire inusitée. Leur association a pourtant donné lieu à un bel album de Fersen, Trois petits tours, enregistré au Québec avec des musiciens d'ici, puis à une tournée en Europe et au Québec. Avant de retrouver le copain français en studio pour son prochain disque, le gars du Lac-Saint-Jean lui rendra visite ce soir sur la grande scène des FrancoFolies.

Fred Fortin l'avoue d'emblée: Thomas Fersen l'a pris au dépourvu en lui demandant de réaliser son album Trois petits tours. Le Français a rencontré le gars du Lac lors d'un spectacle de Galaxie 500 à Paris, en 2006, et il lui a fait sa proposition dans les coulisses d'un spectacle de Karkwa aux FrancoFolies montréalaises, l'année suivante.

«C'est une rencontre improbable, comme on dit», reconnaît Fortin au téléphone. Improbable sans doute, mais pas impossible compte tenu des affinités de Fersen avec le Québec. «Thomas a vraiment baigné dans la culture québécoise, acquiesce Fortin. Il est sorti avec une fille d'ici et il a même pensé à acheter une maison ici pendant un certain temps avant d'opter pour la Bretagne. Il est vraiment attaché au Québec.»

«Moi, je n'ai pas été surpris du tout, répond Fersen en riant, de l'autre côté de l'Atlantique. Quand j'ai découvert les disques de Fred, j'ai tout de suite vu que c'était un auteur majeur. Et j'ai toujours eu envie de travailler avec lui parce que, en plus, c'est un bon arrangeur, un excellent musicien, il a plein d'idées, et j'aime sa façon de jouer de la guitare, de la basse, de la batterie, des façons qui sont vraiment pas communes. Avant de le rencontrer, même sa personne me semblait familière.»

L'amour des mots

Fersen et Fortin ont en commun un profond amour des mots. «Son travail d'auteur est spontané et remarquable en même temps, dit Fersen de son complice québécois. J'aime sa façon d'utiliser le vocabulaire, sa diction, le contenu de ses histoires, une peinture du Québec qui n'est pas celle qu'on nous sert à tout moment, mais quelque chose de plus social, de plus cru, de plus réaliste. Ce Québec, c'est le sien, celui du Lac-Saint-Jean, qui est assez rude, mais avec des personnages pleins d'humanité, attachants.»

«J'aime sa plume, évidemment, dit Fortin de Fersen. C'est un raconteur d'une finesse exceptionnelle. Il a aussi le sens de la mélodie. Quand on jouait ses chansons, je ne me forçais pas pour les aimer. Le fait d'avoir côtoyé Thomas pendant que je faisais mon disque (Plastrer la lune) m'a beaucoup stimulé. Il aimait que dans mes chansons, je raconte des histoires. Ça a coïncidé avec la nouvelle direction que je voulais prendre après mon disque précédent qui était un peu plus intro-spectif. Ça m'a stimulé à écrire des histoires justement, et ça m'a valorisé sur le plan de l'écriture.»

Fersen, lui, insiste sur le beau travail qu'a fait Fortin avec ses chansons. «Je lui ai confié des maquettes où je m'accompagnais au ukulélé et il a fait tout l'habillage. La veille de l'enregistrement, dans sa cave, il nous a fait écouter six arrangements qu'il avait enregistrés tout seul. Tout de suite, j'ai adoré. C'est moi qui lui ai proposé de partir en tournée avec nous parce que j'avais envie de partager ça avec lui. J'avais envie aussi de lui faire voir la France avec moi.»

Fersen lui a même suggéré d'amener en tournée un autre musicien québécois, le batteur Youri Boutin.

«Quand je viens au Québec, je suis toujours accompagné, explique le Français. Je ne voulais pas faire venir Fred tout seul parce que je savais qu'il allait avoir des soirées difficiles. Il est venu avec Youri, le cousin d'Olivier Langevin. Youri n'est pas batteur de son métier. Il habite toujours au Lac Saint-Jean où il vend des vélos l'été et des skis, l'hiver.»

Du nouveau ce soir

Fersen a tellement apprécié le travail de Fortin qu'il a retenu ses services pour son prochain album qui devrait sortir en mars 2011. «Pendant la tournée, l'an dernier, Fred est venu à la maison pour faire des arrangements sur des nouvelles chansons et puis je lui en ai envoyé aussi par internet pour qu'il travaille dessus. Des chansons qu'on va jouer à Montréal, avec ses arrangements. On va enregistrer une partie du disque à la fin juin et je pense que Fred va enregistrer une chanson de son côté parce qu'il a tout fait dessus: basse, batterie et guitare. Je ne pense pas qu'il le réalise parce que comme il a fait les arrangements en amont, on a pu ses les approprier et on les joue sur scène depuis un petit moment. Mais peut-être qu'il va venir (en studio en France) jouer la basse et la batterie sur certains morceaux. On ne sait pas encore, je vous dis des choses que je ne lui ai même pas dites.»

Fersen compte jouer au moins six nouvelles chansons ce soir. «Je vais proposer quelque chose que les gens n'ont pas vu, une formule inédite: je m'accompagne au ukulélé, à la guitare au piano, Pierre Sangra joue de la basse, Alexandre de Barcelona est à l'accordéon et on a un batteur. Ça tourne beaucoup autour de l'accordéon, c'est très festif, c'est presque du folklore par moments. Et puis Fred va se joindre à nous sur certaines chansons qu'il connaît.»

Dans la tournée précédente de Fersen, Fortin chantait tous les soirs sa chanson Que je t'étranglerai, «la chanson fétiche de Thomas», dit le Québécois. Il ne s'attend pas à la chanter ce soir parce qu'elle n'était pas sur la liste que lui a soumise Fersen.

«On n'en a pas parlé, mais pourquoi pas?», réplique Fersen en riant.

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Thomas Fersen, avec Fred Fortin, ce soir, 21 h, à l'Espace Ford, place des Festivals. Fred Fortin, Les Trois Accords, Gigi French et Ariel au Rock party des Francos, le 19 juin, 18 h, à l'Espace Ford, place des Festivals.