Un an plus tard que prévu, Daniel Lanois s'amène au Festival de jazz avec Black Dub. Pour la première fois, l'artiste d'origine québécoise fait partie d'un groupe et il cède le micro à une jeune chanteuse pétante d'énergie dont le papa était un bon ami à lui. Conversation en deux temps sur le thème de la musique qui vient de l'âme.

L'an dernier à pareille date, Daniel Lanois n'était pas beau à voir. Un accident de moto, dans lequel il a failli laisser sa peau, l'a contraint à une longue convalescence pendant laquelle, heureusement, il s'est remonté le moral en travaillant à l'album Le Noise de Neil Young. Le groupe Black Dub, qu'il s'apprêtait à nous présenter au Festival de jazz, a évidemment dû reporter ses spectacles.

«Après avoir enregistré le disque, on n'a presque pas joué ensemble à cause de l'accident de Daniel, raconte la chanteuse et multi-instrumentiste Trixie Whitley, 23 ans. Sur le coup, c'était frustrant. Par contre, notre musique a encore une certaine fraîcheur parce que nous ne l'avons pas jouée tant que ça.»

Trixie Whitley n'était qu'un bébé quand son père Chris, de regrettée mémoire, travaillait à son premier album, Living With the Law, à La Nouvelle-Orléans, dans le studio de Daniel Lanois. Elle n'a revu Lanois qu'il y a deux ans quand il a joué avec le batteur Brian Blade dans un festival en Belgique. «J'ai toujours été une fan finie de Brian Blade parce que je joue de la batterie et je voulais vraiment aller les voir en duo. Je ne pensais jamais que Daniel se souviendrait de moi, mais ma mère insistait pour que j'aille lui remettre mon CD. Il m'a reconnue, a écouté mon petit CD puis il m'a appelée quelques mois plus tard et ç'a déboulé.»

«C'est une grande fille que j'ai revue en Belgique, raconte Lanois. Bien sûr, j'étais intéressé à écouter ce qu'elle faisait et j'étais heureux de revoir Hélène, sa mère. Donc c'est comme ça que ç'a commencé. Ensuite nous avons enregistré une chanson à elle à Boston puis une des miennes à Toronto et comme ça s'était très bien passé, j'ai décidé de former un groupe.»

La jeune femme a surtout impressionné Lanois en chantant dès la première prise une version remarquable de sa chanson I'd Rather Go Blind - ne pas confondre avec le standard du même nom. «Elle avait une confiance qui me plaisait et je me suis dit que c'était peut-être l'occasion de prendre quelqu'un d'autre pour chanter certaines des chansons auxquelles j'avais travaillé. Elle a pris ma chanson Nomad et en a fait une chanson de jeune femme. Elle avait vu le potentiel dans cette interprétation et c'est justement ça, l'essence de notre métier.»

Un gros défi

Quand Black Dub a donné ses premiers spectacles, Trixie Whitley était intimidée. Elle préférait jouer de la batterie aux côtés du maître Brian Blade plutôt que de se planter derrière un micro. «C'était un gros défi pour moi: je suis une parfaite inconnue et Dan a beaucoup de fans inconditionnels qui avaient l'air de se demander ce que je foutais là. Mais j'ai compris que Daniel voulait faire quelque chose de différent et, de toute façon, je ne suis pas que la chanteuse du groupe, je joue pas mal de batterie.»

«C'est une grosse batterie pour deux personnes, reprend Lanois. Quand Trixie sent la force de Brian à côté d'elle, c'est comme si elle était sur un tapis magique. Mais elle est super bonne à la batterie, elle a un pied incroyable. Et même si elle est petite, elle est très forte. Elle a le corps de son père. Nous, on appelle ça un corps à la Iggy Pop: que du muscle!»

Trixie Whitley estime que Black Dub libère un peu Daniel Lanois de son image de folkie. Sa voix puissante qui vient des tripes est faite sur mesure pour cette musique qui a du soul, de l'âme. «J'aime opérer sous la bannière du soul, mais ça ne veut pas dire qu'on fait du rhythm and blues des années 60, dit Lanois. Qu'on joue une chanson folk ou une chanson très rythmée, c'est bien qu'elle ait du soul. Mais c'est vrai que ce disque est plus axé sur le rythme que les précédents.»

Lundi soir, Black Dub jouera également I'd Rather Go Blind et des chansons de Lanois comme The Messenger et The Maker. «Et pour Montréal, je vais faire une couple de mes vieilles chansons folk en français (Jolie Louise, O Marie)», promet Lanois. Le bassiste Jim Wilson remplacera Daryl Johnson qui ne peut sortir de la Californie parce qu'il est en liberté conditionnelle.

Trixie Whitley entend bientôt se consacrer à son propre album, mais Black Dub pourrait avoir une deuxième vie. «Si l'ambiance est bonne à la fin de la tournée, on va aller en Jamaïque faire un autre album», dit Lanois.

Daniel Lanois' Black Dub, à Wilfrid-Pelletier, lundi à 19h.