La concurrence va monter d’un cran dans l’aviation d’affaires puisque Gulfstream, grand rival de Bombardier, ajoutera deux modèles d’avions d’affaires à son portefeuille. Si le premier (G800) ne devrait pas menacer le Global 7500 – fer de lance de l’avionneur québécois –, l’autre (G400) risque de donner de sérieux maux de tête au Challenger 650, estiment certains analystes.

Présenté en 2014, le Challenger est la plus récente version de cette plateforme émanant de la fin des années 1970 et qui, selon plusieurs observateurs, est mûre pour une importante cure de rajeunissement.

Si Bombardier a encore quelques années pour réagir puisque les premières livraisons du G400 ne sont prévues qu’en 2025, Richard Aboulafia, du Teal Group, est catégorique.

« On ne peut même pas parler d’un affrontement, lance l’analyste, au bout du fil. C’est quelque chose de tout nouveau contre quelque chose de gériatrique. C’est un knock-out instantané. »

Bombardier et Gulfstream sont les deux grands acteurs du secteur des avions d’affaires, devant Textron et Embraer. Dans l’industrie, de janvier à juin, environ 28 % des livraisons ont été effectuées par l’avionneur québécois et 25 % par son principal rival.

Mardi, l’avionneur québécois n’a pas commenté les nouveaux produits de son concurrent, présentés dans un contexte où l’aviation d’affaires a pris de l’altitude depuis le début de la pandémie. Les ultrariches et les mieux nantis optent pour ce moyen de transport pour se déplacer, ce qui stimule les ventes.

Gulfstream a procédé au dévoilement tard lundi soir, une semaine avant le salon de la National Business Aviation Association, à Las Vegas, où Bombardier doit présenter la cabine de son Challenger 3500 – une nouvelle version du Challenger 350 – dévoilée le 14 septembre dernier.

Affiché à 34,5 millions US, le G400 de Gulfstream, un avion du segment superintermédiaire, peut transporter entre 9 et 12 passagers et parcourir jusqu’à 4200 milles nautiques. L’appareil sera propulsé par un moteur PW800 de Pratt & Whitney. Sa filiale canadienne, très présente au Québec, fournira le groupe motopropulseur.

De son côté, le Challenger 650, dont le prix catalogue est de 32,5 millions US, peut accueillir 12 personnes et parcourir 4000 milles nautiques. Assemblé à Montréal, l’appareil n’occupe pas une place d’envergure dans le portefeuille de Bombardier.

  • Le G800 est le jet d’affaires qui offre la plus longue portée dans l’industrie, soit 8000 milles nautiques.

    PHOTO TIRÉE DU PHOTO SITE WEB GULFSTREAM

    Le G800 est le jet d’affaires qui offre la plus longue portée dans l’industrie, soit 8000 milles nautiques.

  • Le G400 commencera à être livré en 2025 et rivalisera avec le Challenger 650 de Bombardier.

    PHOTO TIRÉE DU SITE WEB GULFSTREAM

    Le G400 commencera à être livré en 2025 et rivalisera avec le Challenger 650 de Bombardier.

1/2
  •  
  •  

Gulfstream n’offrait pas d’appareil dans ce créneau où rivalisent actuellement le Challenger 650, le Falcon 2000XLS (Dassault) et le Praetor 600 (Embraer).

Quelle stratégie ?

Sur les 114 jets d’affaires livrés par la multinationale l’an dernier, 13 étaient des Challenger 650, selon Brian Foley, de la firme américaine Brian Foley Associates.

« Ça sera un test pour Bombardier afin de voir à quel point ils veulent rester dans ce segment, croit-il. Ils ont abandonné le Learjet parce ce n’était pas assez rentable. Le même sort pourrait être réservé au Challenger 650. »

Bombardier a été en mesure d’offrir une nouvelle version du Challenger 350 – son meilleur vendeur – en respectant son budget de recherche et développement, qui oscille entre 200 et 250 millions US.

Avec une dette qui demeure élevée, les deux analystes se demandent où l’entreprise trouvera plusieurs centaines de millions de dollars pour rafraîchir le Challenger 650, équipé de vieux moteurs General Electric.

« Financièrement, je ne crois pas que l’entreprise est en position pour prendre ce type d’engagement », affirme M. Foley, tout en reconnaissant que Bombardier a quand même un peu de temps pour se préparer.

Moins de craintes

Dans le créneau des avions à large cabine, le G800, qui doit être livré dès 2023, est moins problématique pour la société québécoise, selon les deux experts.

L’appareil de 71,5 millions peut accueillir 19 personnes et offre la plus longue portée dans l’industrie, soit 8000 milles nautiques, soit 300 de plus que le Global 7500. Il est toutefois moins spacieux que le vaisseau amiral de Bombardier.

M. Foley a souligné que le Global 7500 était déjà en service et que plusieurs dizaines d’appareils avaient déjà été livrés, ce qui confère un avantage à Bombardier. À compter de 2025, Dassault proposera également un concurrent, le Falcon 10X.

« Ce sont tous de bons produits, dit M. Foley. Il devrait y avoir de la place pour tout le monde dans le marché, mais ça sera plus concurrentiel. »

Konark Gupta, de la Banque Scotia, croit que Bombardier ne restera pas les bras croisés et qu’elle continuera à proposer de nouveaux produits, ce qui risque de l’obliger à dépenser davantage.

Pour l’analyste, cette concurrence plus féroce n’est pas de bon augure.

« Nous continuons de penser que la fourchette annuelle d’investissement de Bombardier risque de ne pas être durable, estime M. Gupta, dans une note. Autrement, l’entreprise risquerait de perdre des parts de marché. »

À la Bourse de Toronto, mardi, l’action de Bombardier a retraité de 8 cents, ou 3,7 %, pour clôturer à 2,10 $, alors que certains analystes qui suivent les activités de l’entreprise réagissaient à la présentation de Gulfstream.