Un physiothérapeute de la région de Montréal a récemment été sanctionné par son ordre professionnel pour avoir fait la promotion de la « biologie totale ». Cette approche non scientifique soutient que toute maladie est due à un conflit psychologique.

7 mai 2021. Le comité disciplinaire de l’Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec (OPPQ) déclare Sébastien Plante coupable de huit chefs d’accusation. Deux d’entre eux concernent la promotion de la biologie totale que le physiothérapeute a faite dans ses livres et ses articles en ligne. Le comité juge qu’il a nui « à la bonne réputation de la profession » en faisant la promotion d’une approche non reconnue par la science.

Le comité sanctionne aussi Sébastien Plante pour avoir assuré une guérison à ses lecteurs dans son ouvrage Vaincre la douleur et la maladie. D’autres chefs d’accusation concernent des affirmations, conseils ou opinions sur son site personnel et sur Facebook qui dépassent le champ de la physiothérapie ou qui ne sont pas scientifiques. Le comité lui reproche aussi une mauvaise tenue de dossiers et la mise à disposition de ses livres sur son lieu de travail. En tout, il a été condamné à payer 23 500 $ d’amendes.

Durant sa carrière, Sébastien Plante a publié quatre livres aux éditions Québecor : Vaincre la douleur et la maladie, La vérité en face, Brisons le silence et Guérir au lieu de souffrir. Ces ouvrages mettent de l’avant la biologie totale, une approche selon laquelle toute maladie serait due au stress engendré par des conflits psychologiques. Dans la décision disciplinaire, la biologie totale est décrite comme un concept « qui vise à déprogrammer la mémoire cellulaire afin de pouvoir accéder à l’étape de la guérison ».

IMAGE TIRÉE DU SITE INTERNET DE RENAUD-BRAY

Couverture du livre La vérité en face de Sébastien Plante

« Si le mot “cancer” vous donne la chair de poule, vous avez tout intérêt à lire cet ouvrage car vous en comprendrez l’origine et la façon d’en guérir », indique le résumé de La vérité en face, livre publié en 2008. Durant l’enquête de l’Ordre, le physiothérapeute a retiré ses articles en ligne et racheté les exemplaires de ses livres à son éditeur. La Presse a toutefois constaté qu’on pouvait se procurer des exemplaires de Brisons le silence sur Amazon et le site leslibraires.ca.

Contacté par La Presse, Sébastien Plante s’est dit « très amer » des sanctions de l’Ordre et aurait aimé recevoir un avertissement au préalable. Il soutient qu’avant l’enquête, il ignorait que ses publications enfreignaient le code de déontologie. Le physiothérapeute comprend toutefois la décision et ne publiera plus.

Sébastien Plante explique qu’il a écrit ses livres « pour aider les gens qui souffrent comme [il a] souffert, et qui ne trouvent pas de solution avec la médecine traditionnelle ».

En France, le fondateur de la biologie totale, Claude Sabbah, a été condamné à deux ans de prison en 2015 pour avoir précipité la mort d’un patient atteint d’un cancer. Adepte de l’approche, le défunt aurait abandonné ses traitements médicaux.

Selon Jonathan Jarry, communicateur scientifique à l’Organisation pour la science et la société de l’Université McGill, la biologie totale présente plusieurs caractéristiques d’une pseudoscience. La croyance en une cause universelle pour toutes les maladies, ce qui suppose une guérison universelle, en fait partie. « Ça peut amener des gens à abandonner les traitements médicaux dont ils ont besoin », soutient-il.

Protection du public d’abord

Emmanuelle Marceau, professeure associée au département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal, rappelle que les ordres professionnels existent pour protéger le public. Un rôle crucial dans le domaine de la santé, puisque les patients ont besoin de conseils et de traitements.

PHOTO FOURNIE PAR EMMANUELLE MARCEAU

Emmanuelle Marceau, professeure associée au département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal

Depuis 2017, la biologie totale a été citée dans 12 décisions disciplinaires de l’OPPQ. Plusieurs de ces cas sont interreliés, confirme Judith Brillant, syndique de l’Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec. Elle rappelle que ces dérives sont rares en physiothérapie. « C’est vraiment une formation et une pratique rigoureuse, basée sur les sciences et les données cliniques », soutient-elle.

Sur son site, l’Institut canadien de biologie totale affirme que cette approche ne remplace pas « l’avis, le diagnostic ou le traitement d’un médecin ». L’Institut n’a pas répondu à la demande d’entrevue de La Presse.

Les pseudomédecines tiennent souvent deux discours, selon Jonathan Jarry. « Du côté public, on dit que c’est seulement un traitement complémentaire et on encourage les gens à aller voir les médecins, dit-il. Mais du côté privé, on pense savoir quelle est la cause de toutes les maladies et l’intervention qui va [les] guérir. »