Le consortium CHUM Collectif a décroché le contrat de construction du nouveau Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM).

L'hôpital de 772 chambres, qui sera construit au coût de 2,089 milliards sur le site de l'actuel hôpital Saint-Luc au centre-ville, pourra accueillir des patients dès le printemps 2016, a annoncé hier le premier ministre Jean Charest qui était accompagné pour l'occasion d'une importante délégation de ministres.

«D'ici la fin de la décennie, Montréal sera reconnu comme un pôle mondial en recherche médicale», a dit M. Charest, qui tout comme ses collègues était tout sourire pour cette annonce tant attendue. La tension était tout de même palpable. Convoqués pour un point de presse technique une heure avant l'annonce officielle, les journalistes se sont fait confisquer leurs téléphones portables à l'entrée. On a ensuite tenté de couper court au briefing technique quand les questions des médias sont devenues plus délicates. Puis, juste avant le discours de M. Charest, les porte-parole du ministère de la Santé ont refusé de remettre les portables aux journalistes, jusqu'à ce qu'un reporter menace d'appeler le service de police s'il ne le récupérait pas immédiatement.

Deux groupes étaient en compétition pour obtenir le contrat de construction du CHUM, soit Accès santé CHUM et CHUM Collectif. Le premier soumissionnaire a été disqualifié parce qu'il a été incapable de garantir la conception, la construction, le financement et l'entretien du CHUM durant 30 ans à l'intérieur de l'enveloppe budgétaire. Accès santé CHUM recevra tout de même une compensation de 15 millions du gouvernement.

La présidente du Conseil du Trésor, Michelle Courchesne, a assuré que même si CHUM Collectif a été seul en lice au final, la proposition retenue est de qualité et compétitive. La ministre a mentionné que le coût de construction au mètre carré du CHUM sera tout à fait comparable à la moyenne nationale.

«Le processus de sélection a été extrêmement rigoureux et équitable et s'est fait en toute transparence (...) On aura le meilleur projet au meilleur prix», a assuré Mme Courchesne, qui a souligné que 160 personnes ont travaillé à l'étude des deux soumissions et qu'un vérificateur a suivi le processus. «On a six salles pleines de boîtes de documents, a-t-elle dit, six salles!»

Le consortium CHUM Collectif est formé uniquement de firmes étrangères dont Innisfree Limited (Grande-Bretagne), Dalkia Canada (France), Obrascon Huarte Lain (Espagne). Lors de la période de questions, Jean Charest a dit ne pas être gêné par cette situation. «On a fait une compétition très ouverte, a-t-il assuré. Et, honnêtement, je ne suis pas embarrassé quand j'apprends que Bombardier ou CGI obtiennent des contrats à l'extérieur. Je ne vois pas pourquoi je le serais aujourd'hui.»

La ministre Michelle Courchesne a ajouté que des partenaires québécois comme les firmes Pasquin St-Jean (Roche) et Magil Construction, participeront au projet. «Des centaines de travailleurs québécois travailleront sur le projet», a-t-elle déclaré.

Chercheur à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS), Pierre Hamel estime que le choix du PPP était une erreur. «L'essence même du contrat en PPP fait que tout se jouait entre très peu d'acteurs. Le gouvernement dit toujours que le budget est serré au Québec. Si c'est vrai, on aurait dû construire le CHUM en mode conventionnel», dit-il. Un avis partagé par l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé (APTS). «On pensait que le gouvernement reviendrait sur sa décision de faire le CHUM en PPP. Mais non. C'est une erreur», estime la présidente de l'APTS, Dominique Verreault. «Pourquoi avoir décidé de continuer en PPP? C'est de l'entêtement pur et simple», estime quant à lui Jean-Pierre Aubry, fellow associé au centre de recherche CIRANO.

Depuis le lancement du projet du CHUM, les coûts ont monté de 1,2 à plus de 2 milliards. Malgré tout, M. Charest a défendu son choix d'avoir opté pour le PPP. «Notre expérience montre que le respect des coûts et des échéances est là avec le PPP», a-t-il dit. Mme Courchesne a précisé qu'un comité de revue diligente a évalué que le choix de construire le CHUM en PPP a permis d'économiser plus de 300 millions.

«C'est de la poudre aux yeux. On sait que des membres de ce comité étaient de grands partisans des PPP», note M. Hamel. Ce dernier indique également qu'en janvier, le Parlement britannique a avoué que le PPP n'était pas le meilleur mode de construction pour les hôpitaux. «Et la Grande-Bretagne était un pionnier en la matière. Québec aurait dû voir ces conclusions et tirer des leçons avant de se lancer encore là-dedans», plaide M. Hamel.

L'opposition péquiste a également dénoncé le choix du gouvernement d'avoir choisi la formule PPP. «Nous, on est convaincus que c'est beaucoup trop complexe pour être en PPP», a clamé en point de presse la députée de Taschereau, Agnès Maltais, favorable au mode conventionnel de construction.

Elle s'est aussi demandé comment il pouvait n'y avoir eu que deux soumissionnaires pour un projet de cette envergure, ajoutant que le désistement de l'un d'eux au tout dernier moment laissait planer un doute sur l'affirmation du gouvernement Charest voulant que la formule PPP ait permis d'obtenir le meilleur prix.

Première échéance en 2016

Les dernières prévisions du gouvernement laissaient entendre que le CHUM serait finalisé en 2019 seulement. Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a annoncé que le consortium gagnant sera en mesure de livrer tous les espaces médicaux pour le printemps 2016. La destruction de l'actuel hôpital Saint-Luc suivra. Des locaux administratifs seront ensuite logés dans la nouvelle tour construite à cet emplacement.

Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, présent à l'annonce, a pour sa part assuré que son administration prendrait ses responsabilités pour gérer la circulation durant les travaux. «C'est clair qu'il y aura des inconvénients comme pour le Quartier des spectacles, Turcot ou l'autoroute Bonaventure, mais nous croyons que les gens vont comprendre. On va installer une nouvelle signalisation, et il y a aussi le métro», a-t-il dit.

- Avec La Presse Canadienne