Un groupe d'architectes et d'experts en génie-conseil intentent deux poursuites totalisant 47 millions contre le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM). Les deux groupes, qui avaient obtenu en 2006 des contrats d'architecture et de génie mécanique et électrique, reprochent au centre hospitalier de ne pas avoir respecté les conventions de service, ce qui aurait engendré des pertes qui se chiffrent en millions.

Les deux groupes, qui ont engagé des poursuites distinctes, sont, d'une part, BPTH (formé des firmes de génie Bouthillette Parizeau et Teknika HBA) et, d'autre part, BPYA (formé de quatre firmes d'architectes: Birtz Bastien Beaudoin Laforest; Provencher Roy + Associés; Yelle Maillé; Arcorp).

Dans leurs requêtes, que La Presse a obtenues, ils font état de la chronologie des événements à partir de 2006, année du lancement de l'appel d'offres public. Ils détaillent point par point comment le CHUM aurait failli à ses engagements et soulignent au passage l'attitude du CHUM dans la préparation du projet.

Le groupe BPYA, qui réclame 37 millions, reproche notamment au CHUM de ne pas lui avoir «donné toute l'information pertinente et nécessaire» et d'avoir omis de préciser que le mandat serait «réduit ou retiré» si le projet se réalisait en partenariat avec le secteur privé (PPP). C'est cette formule qui a finalement été retenue sous l'ancien ministre de la Santé Philippe Couillard, à un coût d'abord évalué à 848 millions.

En conséquence, BPYA réclame environ 78 millions en honoraires perdus. Il affirme aussi avoir perdu des employés chevronnés qui, en raison d'une clause d'exclusivité qui les limitait dans l'exercice de leur profession, ont préféré aller travailler ailleurs. Le groupe cite des extraits du rapport rendu en 2009 par le Vérificateur général du Québec, qui avait vertement critiqué le choix du PPP, et affirme que le CHUM «n'a pas agi de bonne foi et a exercé ses droits de façon déraisonnable» dans le choix du mode de construction.

Une deuxième poursuite

L'autre consortium, BPTH, qui devait fournir des services de génie mécanique et électrique dans la modernisation du CHUM (à l'époque il n'était pas prévu de démolir l'hôpital Saint-Luc), réclame 9,6 millions. La poursuite, qui s'appuie sensiblement sur les mêmes arguments que celle de BPYA, met en lumière «les fautes et le laxisme» du CHUM et de l'ancienne Agence des partenariats public-privé. BPTH précise que son mandat aurait été beaucoup plus large sans le recours au PPP.

Fait à noter, selon BPTH, le coût des travaux de mécanique et d'électricité dans un projet de l'envergure de ceux du CHUM et de son centre de recherche représentent normalement 45% du coût total. Le groupe estime donc que les coûts (mécanique et électrique) doivent être respectivement évalués à 679,5 millions et 167,4 millions, soit 45% de la dernière évaluation des coûts totaux du projet (1,510 milliard).

Me Guy Gilain, de la firme d'avocats De Grandpré Chait, qui représente les deux groupes, a expliqué que, étant donné l'avancement du dossier, ses clients ne pouvaient pas commenter. Les poursuites pourraient déboucher sur un procès si aucun règlement n'intervient.

À la direction du CHUM, on a dit à La Presse que l'on avait toujours agi de «bonne foi» et fait preuve de «transparence» au sujet du mode de construction, qui n'avait pas été arrêté en 2006. On a ajouté que le CHUM est toujours partenaire des deux groupes dans le projet de modernisation.

Ce n'est pas la première fois que des grands projets provinciaux se retrouvent devant les tribunaux. On n'a qu'à penser à Nalcor, société énergétique de Terre-Neuve-et-Labrador, qui poursuit Hydro-Québec pour mauvaise foi dans l'administration du contrat du barrage hydroélectrique du Haut-Churchill. Il y aussi le bras de fer opposant Birdair et la Régie des installations olympiques, pour la fameuse toile déchirée, qui s'est terminé par une entente à l'amiable en 2007.