Mario Saint-Amand suscite des passions chez les admirateurs de Gerry Boulet, décédé en 1990, et même chez les plus jeunes qui ne l'ont pas connu. En sortant du visionnement, à peu près tous les spectateurs témoignent du jeu remarquable du comédien dans ce film. Ils admirent ce que le réalisateur Alain DesRochers en a fait, et ce que Nathalie Petrowski en tant que scénariste a su faire émerger. La Presse et Radio Canada soulignent le retour sur grand écran d'un acteur qui a tout donné à son personnage: Mario Saint-Amand.

Dans la foulée des autres

C'est un courant que l'on pourrait qualifier de sociétal. Le cinéma québécois va puiser dans sa mémoire récente des récits de vies tumultueuses d'artistes charismatiques: Dédé Fortin, André Mathieu, Alys Robi notamment. Aurait-on besoin de héros? Est-ce qu'il faut mourir pour le devenir?

«Gerry, un être excessif et passionné, livré corps et âme aux affres de l'alcool et des drogues, mort trop tôt. Il m'a rappelé à quel point j'étais privilégié d'être en santé, d'être en vie. Je dois avouer qu'il est arrivé au bon moment dans ma vie», raconte Mario Saint-Amand.

Durant plusieurs années, le comédien Mario Saint-Amand avait pris cette route de déroute, comme plusieurs autres. Gerry n'était pas le seul. «Je renais», dit Mario avec une simplicité désarmante. Depuis trois ans, c'est la lente métamorphose d'un homme qui avait pensé sérieusement mettre un terme à sa carrière d'acteur, de rompre ses liens avec le milieu. Ce qu'il refusait de voir, avant d'y voir clair, c'était le regard des autres posé sur lui, sur ses comportements. Comme Gerry: emporté, soupe au lait, désagréable. «Le mauvais caractère a nui à mon travail», reconnaît-il aujourd'hui.

Il est venu un moment où, pour agir sur lui-même avant qu'il ne meure, il ne lui restait plus que sa foi inébranlable, le saint frère André qui l'a libéré de ses béquilles, et ses larmes. Toutes les larmes de son corps. «Source inépuisable de peine et de joie».

Un meilleur homme

Il a 43 ans. Il tient à témoigner de son expérience passée de drogues et autres substances, pour tenter d'expliquer comment on peut atteindre le sommet de la montagne. «C'est d'y arriver qui est difficile, il faut le faire par étapes». Il se souvient d'un conseil de Janette Bertrand en 1992: «Dans ce métier, essaie d'être utile». Depuis ce jour, Mario Saint-Amand a toujours vu son métier sous cet angle. Il attire les gens qui ont besoin de cet échange bienveillant. «Des êtres qui font grandir». Il a besoin aussi de pardonner. De se pardonner.

Bien sûr, il s'est fait aider. En thérapie, il a appris à redevenir lui-même, à s'accepter tel qu'il est, à mieux gérer les excès. L'un de ses frères lui a téléphoné un soir à l'issue d'une réunion familiale pour lui dire avec affection que pour une fois, il n'y avait pas eu de chicane. «Je suis conscient des actes ratés. Maintenant, je suis celui qui regarde l'autre, alors qu'avant je ne m'en souvenais pas. Je ne communiquais pas.»

Né à Sept-Îles, il a 8 ans lorsque la famille déménage pour aller vivre à Québec à la suite de la fermeture de l'usine Iron Ore. Le petit garçon ne voulait pas partir. «Je me suis senti déraciné». Au début de l'adolescence, il avait déjà ressenti l'appel impératif du théâtre. «Je voulais me transformer.»

Par ailleurs, quatrième d'une famille de six enfants, il ne se sentait pas écouté, pas aimé. «Je me suis joint à une bande de jeunes dans laquelle joints et bières, signifiaient liberté.»

Inscrit au Cégep de Saint-Hyacinthe en théâtre, il se fait mettre dehors: «Tu n'as pas la voix pour jouer», lui a-t-on dit. Sans désespérer, il frappe aux portes des bars, fait des rencontres stimulantes et protectrices. En 1996, avec un groupe, il se produit sur la grande scène des Francofolies et chante devant 15 000 personnes. Quelqu'un lui dit: «Tu ferais mieux d'arrêter de chanter!» Et il vient de camper Gerry Boulet en chantant. «Gerry m'a ouvert des portes». Et sa voix unique va se faire entendre encore au cours d'une tournée qui commence maintenant à travers la province.

Désormais «un vrai guerrier de la lumière», les drogues n'ont plus aucun intérêt. «Je sens que je suis devenu un meilleur compagnon de travail, un meilleur acteur, et surtout un meilleur homme.»