Le 31 janvier dernier, en Estonie, Alex Harvey a remporté une médaille d'or aux Championnats du monde de ski de fond des moins de 23 ans. Pour la première fois de l'histoire, un fondeur canadien détient un titre mondial. Un exploit qui en annonce plusieurs autres.

À 22 ans, Alex Harvey fait déjà partie de l'élite planétaire du ski de fond, champion précoce dans un sport où un athlète atteint généralement son apogée passé la mi-vingtaine.

Mais Harvey avait des comptes à régler avec les rivaux de sa génération. L'été dernier, il a encerclé le 31 janvier 2011 sur son calendrier. Au programme: la poursuite de 30 km des Championnats du monde U23, à Otepää, en Estonie. C'était sa dernière chance de participer à une grande compétition réservée aux moins de 23 ans.

Et il ne l'a pas ratée: Harvey a franchi les 15 km classique et les 15 km style libre en 1h13: 47,9 pour s'imposer devant trois rivaux russes, dont le plus dangereux, Evgeniy Belov, à qui il se frottait déjà en Coupe du monde.

À l'arrivée, ce fut «l'euphorie, l'extase», dit Alex Harvey: «Tout le monde était très content: les techniciens, les coachs, mes coéquipiers.»

Et pour cause. Pour la première fois de l'histoire, toutes catégories et tous genres confondus, un fondeur canadien est devenu champion du monde. La Presse et Radio-Canada soulignent cet exploit remarquable en nommant Alex Harvey Personnalité de la semaine.

Harvey a accueilli cette médaille d'or avec l'humilité qui le caractérise. Il a souligné sa chance d'être arrivé dans l'équipe canadienne au moment où des coéquipiers plus expérimentés, comme son grand ami Devon Kershaw, étaient sur le point d'émerger sur la scène internationale.

Cette victoire a une saveur particulière sur le plan personnel. Trois ans plus tôt, en Italie, Harvey avait frôlé le sacre aux Mondiaux juniors, où il s'est classé deuxième et deux fois quatrième. Ces excellents résultats l'avaient profondément déçu. Le fondeur de Saint-Ferréol-les-Neiges estimait que la victoire était à sa portée, mais un problème de circulation sanguine à une jambe l'a empêché d'ouvrir la machine au moment voulu. Le cheval de course était entravé.

Voilà pourquoi en 2011, année où les Mondiaux seniors d'Oslo représentent son véritable objectif, Harvey a décidé de faire un crochet par l'Estonie.

«J'avais déjà passé près, mais je n'avais jamais réussi à gagner un titre», dit Alex Harvey, joint par téléphone en Italie, où il s'entraîne en haute altitude. «Je savais que ce serait une belle occasion. C'était un genre de revanche personnelle. J'étais vraiment content. Je me suis dit: enfin!»

Il a réalisé un exploit que son père, Pierre, gagnant de trois Coupes du monde dans les années 80, n'a jamais réussi. Après la course, au téléphone, le père a senti que son fils lui disait avec fierté: «Je t'ai dépassé, papa.» «C'est la plus belle chose qui puisse arriver à un père», a dit Pierre Harvey, cité par le collègue Philippe Cantin. «Je ne suis pas en compétition contre lui, dit le fils quand on lui cite ces paroles. Je suis en compétition contre moi. Je veux repousser mes propres limites.»

Alex Harvey a déjà eu l'occasion de prouver sa valeur dans la catégorie senior. En 2009, bien remis d'une opération visant à régler son problème à la jambe, il est monté deux fois sur le podium en Coupe du monde. Un an plus tard, aux Jeux olympiques de Vancouver, au moment où tous les meilleurs cherchaient à atteindre le sommet de leur forme, Harvey a confirmé son statut en terminant 3 fois parmi les 10 premiers.

Il n'y a pas de doute, comme le répète son coéquipier Kershaw, Harvey est le plus grand espoir de l'histoire du ski de fond canadien. On rappelle souvent que cet enfant de la balle, élevé à quelques dizaines de mètres du magnifique centre de ski de fond du Mont-Sainte-Anne, a hérité des gènes de son père. On entend moins que sa mère, la Dre Mireille Belzile, est aussi une athlète accomplie.

Or, Alex Harvey se démarque surtout par son approche mentale, ses facultés tactiques en course, sa conviction de pouvoir battre un adversaire, peu importe sa réputation. C'est de bon augure pour les Mondiaux d'Oslo, qui auront lieu du 24 février au 6 mars. «Dans une bonne journée, je peux finir dans le top-10, analyse-t-il. Dans une très bonne journée, je peux penser au top cinq. Et dans une journée incroyable, peut-être le podium.» Il a encore tout son temps pour tracer sa voie.