Des citoyens de Montréal sont habitués aux bruits de la ville, mais pour ceux qui vivent à proximité des spectacles extérieurs ou des bars, la fête des autres peut devenir un enfer.

Dans le secteur du Quartier des spectacles, les résidants en ont pris leur parti. Ils sont conscients qu'ils résident dans une zone où le bruit fait partie du paysage. Et à partir du quartier de la Place des Arts, avec ses grands immeubles, le son se propage moins loin que pour une aire ouverte, comme au parc Jean-Drapeau, par exemple. Chez Spectra, la porte-parole Marie-Ève Boisvert dit que le système de son du Festival international de jazz ou des FrancoFolies commence à baisser après 100 pieds. De plus, si les haut-parleurs sont plus puissants qu'il y a 20 ans, leur grosseur et leur nombre ont été réduits. Du coup, les spectacles ne sont pas plus bruyants qu'avant, selon elle, et le son est mieux dispersé.

Mais dans le quartier gai, la situation est différente. Des citoyens ont même formé un comité pour se plaindre du bruit des bars de la rue Sainte-Catherine et des spectacles du parc Émilie-Gamelin. «Ce n'est plus une, mais deux longues fins de semaine de festivités gaies qu'il nous faut endurer, dit par exemple Pierre Wroblewski, résidant de la rue Panet. Durant ce temps, ma maison est inhabitable. Je dis bien INHABITABLE ! On peut mesurer le bruit dans mes murs sur l'échelle de Richter. Depuis quatre ans, j'appelle des amis et je vis chez eux pendant six jours, le temps que ça passe.»

«C'est un problème de santé publique dans le quartier», ajoute Geneviève Rollin, une autre résidante.

Depuis l'an dernier, un règlement sur le bruit a été adopté par Ville-Marie. «On essaie de faire appliquer le règlement sans grand succès, dit Gérard Paquette, citoyen de l'arrondissement. Le commandant Gagnon du PDQ 22 refuse d'appliquer ce règlement car il est favorable à une certaine tolérance.» Invité à commenter, le Service de police n'a pas rappelé.

Patrick Leclerc a fondé le Regroupement québécois contre le bruit il y a trois ans. Plus de 1000 personnes en sont membres. Selon lui, les citoyens sont plus irrités qu'avant par le bruit. «Il a augmenté partout, dit-il. Dans les rues et dans les commerces. Dans les cinémas, le bruit atteint 100 décibels. C'est beaucoup trop fort.»

Le bruit a des effets sur la santé, dit Patrick Leclerc. «Les gens deviennent pratiquement sourds et on augmente le volume. Si on faisait un sondage sur le nombre de personnes dérangées par la pollution sonore, on serait surpris du résultat. Il faut une réglementation sur la quantité de décibels permis pendant les spectacles. Il y a un problème de calibrage des aigus et des basses extrêmes. Il faut que Québec légifère là-dessus.»

Politique du bruit

Une politique sur le bruit pourrait voir le jour. Réagissant à l'inquiétude des citoyens et des membres du corps médical, l'ex-ministre de la Santé, Philippe Couillard, a demandé, il y a trois ans, un avis à l'Institut national de la santé publique. L'avis sera transmis au nouveau ministre cet automne, dit le Dr Maurice Poulin, responsable de l'unité santé au travail à l'Institut national de santé publique.

«L'avis dira s'il est pertinent d'avoir une politique sur le bruit, dit le Dr Poulin. On est en train de développer ça. On a des difficultés car, sur le bruit, il n'y a pas beaucoup de ressources au Québec. L'avis aura plusieurs chapitres sur la définition du bruit, les mesures, ses effets sur la santé et le portrait législatif. On regarde également si on peut chiffrer les coûts engendrés par la pollution sonore. Des recommandations seront faites au ministre.»