Le Parti libéral a demandé des excuses au gouvernement Harper, hier, pour un dépliant que des députés conservateurs ont distribué dans des milliers de foyers canadiens à l'aide de fonds publics.

Le document, qui fait l'éloge des actions entreprises par le gouvernement Harper pour défendre les intérêts de la communauté juive et d'Israël, dénonce certaines actions ou déclarations du Parti libéral à cet égard. On peut notamment y lire que le Parti libéral a «volontairement participé à la réunion antisémite de Durban I», qu'il a tenté de retirer le Hezbollah de la liste des organisations terroristes et que Michael Ignatieff a accusé Israël de crimes de guerre lors du conflit avec le Liban en 2006.

«Essentiellement, ce document accuse le Parti libéral d'être antisémite. Pour moi, cela abaisse le débat à un niveau inégalé», a déploré le député libéral Bob Rae.

Le ministre de l'Immigration, Jason Kenney, s'est porté à la défense de ses collègues et a refusé de présenter des excuses. «Ce sont les faits, a-t-il dit. Le dépliant explique le bilan du gouvernement libéral et des libéraux sur ces enjeux.»

La technique utilisée par les députés conservateurs, dont Joe Preston, de London, en Ontario, est celle dite des 10%, un mécanisme qui permet aux députés de la Chambre des communes d'envoyer aux frais du Parlement - donc des contribuables - des feuillets d'information n'importe où au pays, pourvu que leur quantité ne dépasse pas 10% du nombre des électeurs de leur circonscription.

Ce mécanisme est de plus en plus dénoncé par les partis de l'opposition, qui accusent les conservateurs d'abuser de ce système en inondant les électeurs de propagande. Des porte-parole du Bloc québécois, du NPD et du Parti libéral ont d'ailleurs évoqué hier le besoin de le réformer, mais nul n'est allé jusqu'à en réclamer l'abolition.

Les libéraux affirment que les conservateurs ont envoyé ces dépliants dans au moins six circonscriptions à forte population juive - trois à Montréal (Outremont, Mont-Royal et Pierrefonds), deux à Toronto et une à Winnipeg.

Dans les six cas, il s'agit de circonscriptions où le vote libéral a fondu depuis 2004. À l'extérieur du Québec, toutes font l'objet de luttes de plus en plus chaudes avec le Parti conservateur.

Fausse information

Le problème, selon les libéraux, est que l'information que véhiculent les dépliants est fausse. Le député de Mont-Royal, Irwin Cotler, a rappelé qu'il était lui-même à la réunion de Durban I, en 2001, au même titre que les États-Unis et Israël, et qu'il avait pris la parole pour dénoncer certains débordements.

Il a souligné que ce sont les libéraux qui ont inscrit le Hezbollah et le Hamas sur la liste des organisation terroristes.

Quant à la déclaration de Michael Ignatieff à l'émission Tout le monde en parle, selon laquelle le massacre de Cana était un crime de guerre, «il s'est par la suite excusé publiquement», a insisté M. Cotler.

À noter que cette déclaration de M. Ignatieff en 2006 avait fait des vagues au sein de la communauté juive du Parti libéral, au point où la femme de M. Cotler avait déchiré sa carte de membre.



Pas de préférence


Au Congrès juif canadien, le directeur général, Bernie Farber trouve normal que des partis politiques tentent de séduire une communauté ou une autre. Pour le reste, il a évité de s'immiscer dans le débat.

«Nous sommes très satisfaits du soutien que la communauté a reçu de Stephen Harper sur Israël et de sa forte dénonciation de l'antisémitisme. Mais je dois vous dire du même souffle que nous sommes aussi très, très encouragés par la forte démonstration d'appui du leader de l'opposition, Michael Ignatieff», a-t-il déclaré.