Le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, invite les Québécois à tourner la page sur les divisions du passé et à prendre la place qui leur revient au pouvoir à Ottawa.

Devant quelque 500 militants libéraux, hier, à Laval, M. Ignatieff a soutenu que les Québécois peuvent être fiers à la fois de leur appartenance au Québec et de leur appartenance au Canada. Selon lui, il n'y a pas de contradiction entre les deux.

 

Le chef libéral a aussi soutenu que les Québécois doivent reprendre le rôle qu'ils ont joué historiquement au gouvernement fédéral. Ce sont des gens comme Wilfrid Laurier, Louis Saint-Laurent, Pierre Trudeau, Jean Chrétien, Paul Martin et Stéphane Dion qui, a-t-il dit, ont contribué à façonner le Canada d'aujourd'hui.

«Les Québécois ne méritent pas d'être dans l'opposition permanente à Ottawa. Leur place est au pouvoir. À tous les Québécois, je dis ceci: le temps est venu de reprendre votre place dans la gouverne de notre pays. Ce pays, vous l'avez façonné. Vous pouvez être fiers d'être Québécois et Canadiens en même temps, dans l'ordre que vous voulez», a lancé M. Ignatieff.

À l'heure actuelle, le Bloc québécois détient 49 des 75 sièges du Québec à la Chambre des communes. Les libéraux en ont 14 et les conservateurs, 10. Le NPD a un siège et il y a un député indépendant, André Arthur.

Aux Québécois qui ont appuyé le Bloc dans le passé, M. Ignatieff a demandé de donner une nouvelle chance aux troupes libérales. Il a reconnu que le Parti libéral avait commis des erreurs dans le passé, une allusion indirecte au scandale des commandites. Mais il a ajouté que les libéraux se sont toujours retroussé les manches pour regagner la confiance des électeurs.

«Il y a beaucoup d'électeurs qui votent pour le Bloc par sentiment de fierté d'être Québécois, mais qui ne croient pas en ses solutions. C'est à ces gens que je m'adresse. Donnez-nous la chance de prouver ce que nous pouvons faire pour le Québec, pour vos familles, pour vos voisins, pour vous», a-t-il affirmé.

M. Ignatieff a prononcé ce discours à la fin du conseil général de l'aile québécoise du parti. Réunis tout le week-end, les militants libéraux ont fait le point sur les préparatifs électoraux.

Par ce discours, M. Ignatieff voulait se présenter davantage aux Québécois. Il a d'ailleurs souligné ses racines dans la province en rappelant que ses grands-parents russes avaient immigré au Québec en 1928, qu'ils se sont établis en Estrie et qu'ils sont enterrés, tout comme ses parents, dans un cimetière à Richmond. «Moi et ma famille, nous avons vécu le rêve canadien, et pour nous, ce rêve a commencé ici, au Québec», a-t-il lancé.

M. Ignatieff a aussi rappelé qu'il a été le premier leader fédéraliste à proposer, en 2006, que les Québécois soient reconnus comme une nation. «J'ai défendu l'idée que la reconnaissance de l'identité nationale ne nuit pas à la citoyenneté canadienne. Au contraire. Elle la rend plus forte. Aujourd'hui, ensemble, engageons-nous à redevenir porteurs des aspirations des Québécois au sein du Canada», a-t-il affirmé.

Le chef libéral n'a pas pris d'engagements concrets envers le Québec, si ce n'est de dire qu'un gouvernement Ignatieff investirait dans certains domaines importants pour la province comme les énergies renouvelables, le secteur forestier, l'aéronautique et la culture. Il a aussi promis d'adopter une politique étrangère indépendante, «fidèle aux valeurs chères aux Canadiens», et de retirer les troupes canadiennes de l'Afghanistan en 2011, comme prévu.

Même s'il a prononcé son discours à Laval et que le Bloc québécois continue de régner en maître au Québec, M. Ignatieff a réservé la grande majorité de ses critiques au premier ministre, Stephen Harper.

Selon le chef libéral, M. Harper préfère diviser les Canadiens pour mieux s'installer au pouvoir à Ottawa. Il lui reproche aussi d'improviser face à la crise économique qui secoue la planète: «Le Canada de Stephen Harper, c'est celui où la politique partisane triomphe sur les intérêts à long terme du pays. C'est un Canada où le gouvernement en place nous divise plutôt que de nous unir. M. Harper est plus préoccupé à préparer des publicités négatives pour m'attaquer qu'à sortir le Canada de la crise économique. Il l'a fait hélas avec mon

prédécesseur. Mais il ne réussira pas avec moi.»

Même si les sondages sont de plus en plus favorables aux libéraux depuis quelques semaines, M. Ignatieff a soutenu que la bataille est loin d'être gagnée: «La route devant nous sera ardue et remplie d'obstacles. Nos adversaires seront coriaces. Le combat qui nous attend sera féroce. La victoire ne nous sera pas livrée sur un plateau d'argent.»

Les conservateurs avaient dépêché à Laval le député de Lévis-Bellechasse, Steven Blaney, pour critiquer certaines déclarations passées de M. Ignatieff. En point de presse avant le discours du chef libéral, il a soutenu que l'ouverture de M. Ignatieff envers le Québec est un écran de fumée, soulignant notamment qu'il avait exprimé des réserves au sujet de l'accord dans lequel Ottawa donne une voix au gouvernement du Québec à l'UNESCO.

À Montréal, où il participait au défilé de la Saint-Patrick, le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, s'est montré peu impressionné par le discours de M. Ignatieff : «Je trouve drôle de voir M. Ignatieff parler de leadership alors que tout ce qu'il fait, c'est d'appuyer les conservateurs à chacun des votes sur le budget. Il agit exactement comme Stéphane Dion. Ce n'est pas du grand leadership.»