Petite révolution dans les champs: Québec revoit son modèle d'assurance pour les agriculteurs. Fini les chèques en blanc pour les productions qui ne sont pas rentables. Notamment, les producteurs de porcs, qui vivent une crise après l'autre, devront diminuer la taille de leurs élevages. À l'inverse, Québec propose maintenant une couverture pour l'ensemble des secteurs agricoles.

Cette nouvelle mesure pourrait inciter des agriculteurs à se lancer dans des productions plus marginales, tant végétales qu'animales, alors qu'ils n'osaient pas courir un tel risque sans assurance. Le lapin, le canard ou les petits fruits ne sont pas assurables selon le régime actuel.

 

«C'est une mesure qui va avoir des effets positifs sur la diversité de l'agriculture au Québec», constate le président de l'Union des producteurs agricoles du Québec (UPA), Christian Lacasse.

Le syndicat est en général satisfait du plan de redressement dévoilé hier par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, Claude Béchard. La Financière agricole, responsable de l'assurance des producteurs, accumulait les déficits. Le ministre a annoncé qu'il lui accordait une enveloppe annuelle de 630 millions de dollars pendant cinq ans, mais il a précisé que cette enveloppe était «bien fermée». Crise ou non.

«Notre objectif est d'améliorer la performance des entreprises, d'accroître le soutien aux secteurs en émergence et de favoriser la diversification de l'agriculture», a déclaré Claude Béchard. Cette mesure va dans le sens des recommandations du rapport Pronovost sur l'avenir de l'agriculture au Québec. On y suggérait de faciliter l'établissement des cultures émergentes.

Programme maintenu

Le Programme d'assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) est maintenu, mais le calcul des paiements sera modifié puisqu'on ne tiendra pas compte d'une partie des entreprises non performantes et qu'on imposera aussi un plafond aux agriculteurs. Inévitablement, en cas de réclamation, des producteurs recevront de plus petits chèques.

Ce point inquiète grandement l'UPA. Des agriculteurs en difficulté ne pourront pas passer au travers, explique Christian Lacasse. «Avant de les appliquer, il faudrait bien mesurer quels seront les impacts de ces nouvelles mesures dans certaines régions du Québec», précise-t-il.

Le cas du porc

Dans le cas du porc, les choses se précisent. Comme Ottawa l'avait fait à l'été, Québec demande à son tour aux éleveurs de diminuer la taille de leurs cheptels et réduit le nombre de porcs couverts par le programme.

Ce n'est pas normal, a dit le ministre Béchard hier, que le nombre de porcs augmente au Québec alors que la production n'est pas rentable.

Il était temps que le gouvernement fasse ce petit ménage, croit Sylvain Charlebois, vice-doyen à l'École d'études supérieures de politiques publiques Johnson-Shoyama de l'Université de la Saskatchewan, qui était de passage au Québec hier. «On est au moins deux ans en retard. Il y a trop de porcs au Québec», répète cet observateur de l'industrie.

On a affaire à une industrie qui vit des cycles, explique Sylvain Charlebois. L'ASRA, telle qu'elle est appliquée actuellement, est un pansement, dit-il, mais il faudrait plutôt s'attaquer à la maladie. «L'industrie porcine doit s'adapter aux aléas du marché», explique le professeur Charlebois.

Actuellement, la faiblesse du dollar américain fait mal aux exportateurs. Et un porc sur deux quitte le Québec.

«On maintient artificiellement en vie une industrie. Pourquoi? Pour l'exportation?» demande Sylvain Charlebois.

Mais en plus des fluctuations du cours du dollar et de l'alimentation des animaux, l'industrie porcine a fait face à plusieurs crises, la grippe porcine étant la dernière en date.

«Il faut être conséquent: on fait face à une crise sans précédent, admet Jean-Guy Vincent. Comme tous les secteurs qui vivent des crises, on devra s'adapter.»

Une quinzaine d'entreprises porcines québécoises ont déjà déposé des demandes pour se retirer de la production, selon le programme annoncé cet été par le gouvernement fédéral.

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L'industrie du porc

Il y a 7,7 millions de porcs au Québec. Le président de la Fédération des producteurs de porcs du Québec, Jean-Guy Vincent, estime qu'il y en aura 400 000 de moins l'année prochaine. Le ministre Béchard demande une réduction supplémentaire pour atteindre 7 millions de porcs en 2011.