Il a assisté à la naissance de sa fille, l'a élevée pendant trois ans avant de se séparer de la mère, et a fidèlement respecté ses droits de garde pendant une autre année. Mais un jour, un test génétique a confirmé qu'il n'était pas le père biologique de l'enfant. Il a immédiatement cessé tout contact avec la petite fille et a voulu faire corriger l'acte de naissance.

Qui est alors le père de cet enfant? La loi est claire: l'homme appelons-le Martin, sa véritable identité est gardée confidentielle pour protéger l'enfant a signé l'acte de naissance, il a agi pendant quatre ans comme père de l'enfant, il en est donc le père, quels que soient les gènes qui les séparent. En refusant d'entendre la cause, hier, la Cour suprême a confirmé le rejet de la requête par le Cour d'appel du Québec plus tôt cette année.L'avocate de Martin, Guylaine Gauthier, a attaqué la loi sous l'angle de la fraude. «C'est à l'encontre du fondement de la loi: mon client était de bonne foi et il a été trompé», a-t-elle expliqué hier, depuis son bureau de Québec. Son client n'a pas donné un consentement libre et éclairé lorsqu'il a signé l'acte de naissance et qu'il a pris soin de l'enfant par la suite. La mère, elle, a été de mauvaise foi.

Devant la Cour d'appel l'hiver dernier, l'avocate a souligné que des contrats d'achat de biens peuvent être annulés quand une partie a été trompée. Il devrait en être de même pour une déclaration de paternité lorsque le parent a été induit en erreur, a-t-elle fait valoir.

Or, la porte pour contester la loi est «fermée à double verrou», dit Alain Roy, professeur de droit à l'Université de Montréal. À partir du moment où le père signe l'acte de naissance et prend soin de l'enfant, il a deux ans pour contester sa paternité, dans le cas de conjoints de fait. Chez un couple marié, l'homme est présumé être le père de l'enfant même s'il ne signe pas l'acte de naissance; il a un an pour contester sa paternité.

Après ce délai, peu importe ce qu'en disent les tests de paternité, un père reste un père. «La loi a été ainsi faite au nom de la stabilité socio-affective de l'enfant», dit Alain Roy. Même si, reconnaît-il, l'homme trompé ressentira une profonde injustice.

«On a toujours un malaise avec ça», dit le professeur. «Mais, mettez-vous à la place d'un enfant de 8 ans pour qui, tout à coup, pour une question de gamètes, son père qu'il a toujours connu n'est plus son père? Là, on pourrait parler d'un déni de justice pour l'enfant.»

Néanmoins, peut-être y aurait-il lieu de revoir le délai pour la contestation de la filiation paternelle, croit Alain Roy. Dans un texte qu'il a publié en 2003, M. Roy évoque qu'en Allemagne, la vérité biologique est privilégiée sur les considérations socio-affectives. Une avenue qui pourrait peut-être être adoptée un jour au Québec, estime-t-il.

L'homme trompé

Martin était en couple depuis 1998 lorsque sa conjointe donne naissance à leur fille, en 2002. Il l'élève jusqu'à la séparation du couple, en 2005. Par la suite, pendant un an, il exerce ses droits d'accès régulièrement.

«Pendant qu'ils étaient ensemble, personne n'a rien dit», mentionne Me Gauthier. «Mais après la séparation, les gens ont commencé à lui dire: tu sais, ta fille, c'est pas ta fille.»

Martin a même reçu un coup de fil d'un homme prétendant être le père biologique de sa fille. Il a interrogé son ex, qui lui a dit qu'elle ne connaissait pas cet homme et que Martin est bien le père de l'enfant.

À la fin 2006, Martin décide d'en avoir le coeur net. Un test d'ADN confirme ses soupçons: il n'est pas le père de la petite fille. «J'ai su par la suite que [mon ex-conjointe] s'était vantée, à son travail à l'époque qu'elle était enceinte, de ne pas savoir qui était le père», a indiqué Martin devant les tribunaux. Ses recours judiciaires seront tous rejetés. Martin restera le père de l'enfant. Il devra également payer une pension alimentaire si la mère le réclame.

Au milieu de tout ça, une fillette âgée maintenant de 7 ans qui ne côtoie plus son père. «Elle en a un père! , lance Me Gauthier, en parlant du père biologique. Mais il ne s'en occupe pas.» L'homme, déjà père d'autres enfants, a également des antécédents judiciaires. «Et la mère a aussi fraudé mon client dans son commerce...»