L'utilisation de caméras vidéo dans les autobus scolaires est en croissance au Québec. Des 20 commissions scolaires jointes par La Presse, 18 ont indiqué qu'elles y font appel au besoin. Quatre transporteurs interviewés ont aussi admis sans détour qu'ils s'en servent. Ce phénomène est largement sous-estimé.

«Certaines commissions scolaires ont certes dû l'utiliser, mais ce n'est pas une pratique très répandue», nous a affirmé au début du reportage Jean-Pierre St-Gelais, porte-parole de la Fédération des commissions scolaires du Québec. Notre vérification prouve le contraire.

De même, plusieurs commissions scolaires ont d'abord répondu qu'elles ne filment pas les jeunes dans les autobus jaunes... sauf en «dernier recours», quand un problème ne peut être réglé autrement. Une notion très variable : les caméras sont en fonction «une fois ou deux par an » à la commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke, «de cinq fois à une dizaine de fois par an» à la commission scolaire Coeur-des-Vallées et «peut-être 80 fois par an» à la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys. D'autres n'ont pas de statistiques à transmettre et se contentent de dire qu'elles utilisent des caméras «quand c'est requis».

À la commission scolaire Rivière-du-Nord, «c'est tout nouveau de cette année», a dit Michaël Charrette, directeur de l'organisation scolaire et du transport. C'est après avoir constaté que les commissions scolaires des alentours exigent que les transporteurs munissent leurs autobus de caméras que Rivière-du-Nord a décidé de faire pareil. «Nous demandons que 10% du parc total soit muni de caméras», à actionner au besoin, a expliqué M. Charrette. Elles ont servi cinq fois depuis la rentrée.

Choisir les caméras

«Nous n'avons pas de caméras, mais nous en cherchons quatre», a pour sa part indiqué Jean-François Parent, secrétaire général de la commission scolaire des Premières-Seigneuries, à Québec. «On a quelques situations qui ne se résorbent pas, des cas de discipline et de transactions de drogue» qui pourraient être réglés en filmant dans les bus, estime M. Parent.

D'autres utilisent les caméras de vidéosurveillance dans les autobus depuis 10 ans (Marguerite-Bourgeoys), voire 15 ans ou plus (Laval, English Montreal, Région-de-Sherbrooke). Et presque toutes jugent leur utilisation concluante. «Ça donne de très bons résultats, a dit Nicole Hénault, secrétaire générale de la commission scolaire Kamouraska-Rivière-du-Loup. On a commencé par acheter une caméra et on est rendus à quatre, mais elles ne filment jamais en permanence.»

Dans les autobus scolaires, la simple vue du boîtier de la caméra - même vide! - peut calmer les délinquants, avancent plusieurs. «Cela peut avoir un effet dissuasif, reconnaît Denis Cyr, directeur général des Autobus Terremont. Mais de là à les impressionner, je ne crois pas. C'est vite oublié. Le naturel revient au galop.»

Respecter les droits des élèves

Seule la commission scolaire de Montréal a dit être opposée à l'usage de caméras dans ses autobus, «pour respecter les droits des élèves», a indiqué Alain Perron, son porte-parole. À la commission scolaire Lac-Témiscamingue, «on n'en utilise pas présentement, mais peut-être un jour, a dit le porte-parole Martin Lefebvre. Nous sommes assez chanceux, il n'y a pas ici de phénomène de gangs de rue comme en ville et les gens se connaissent beaucoup. Mais nous ne sommes pas à l'abri de tous les problèmes.»

À la commission scolaire des Affluents, on ne s'est servi qu'une fois d'une caméra dans un bus depuis trois ans. «On n'a pas besoin de se lancer là-dedans: c'est assez cher, ça se refléterait dans un autre poste budgétaire, a fait valoir Sylvio Parent, régisseur au secteur transport. J'ai des collègues qui sont en amour avec les caméras. Mais il ne faut pas oublier que si on est capable de filmer les jeunes, les jeunes sont aussi capables de filmer les chauffeurs!»

Du côté des parents, il n'y a jamais eu de plaintes au sujet de l'utilisation de caméras dans les autobus, a signalé François Paquette, premier vice-président à la Fédération des comités de parents du Québec. «J'ai justement plus de difficultés avec les jeunes qui filment n'importe quoi et qui le mettent sur l'internet. Dans ce cas-ci, tant que c'est à des fins de sécurité, pour des problèmes particuliers, je n'ai pas de problème avec ça.»

Étonnamment, les chauffeurs d'autobus ne voient pas les caméras d'un très bon oeil. «Ce n'est pas la solution. Nous, on revendique plutôt une politique nationale de discipline», a commenté Jacques Forgues, président du secteur transport scolaire de la CSN, qui regroupe plus de la moitié des 4000 chauffeurs de bus scolaires syndiqués au Québec. «Mettez toutes les caméras que vous voudrez, ce n'est pas de l'éducation.»