La Coalition avenir Québec (CAQ) s'est engagée dimanche à créer un ordre professionnel des enseignants si elle venait à former le prochain gouvernement du Québec, une proposition à laquelle s'était pourtant opposée la grande majorité des enseignants, il y a quelques années.

«Il faut valoriser les enseignants et leur statut social», a lancé le chef du parti, François Legault, qui soutient qu'un ordre professionnel constituerait la meilleure façon de s'assurer de la réussite des enfants en garantissant la qualité de l'enseignement.

La CAQ propose notamment de concentrer l'aide financière dans les écoles où il y a davantage d'élèves en difficulté, de fournir plus d'orthophonistes et d'orthopédagogues et d'augmenter le salaire des enseignants et des directeurs de 20 pour cent.

Les enseignants du primaire et du secondaire seraient également évalués deux fois par année, et un des critères de cette évaluation concernerait les résultats des élèves, «en tenant compte du milieu socio-économique», a précisé M. Legault.

Une proposition qui recevra un accueil tiède de la part des enseignants, au dire de la présidente de la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE), Manon Bernard.

«La création d'un ordre professionnel, c'est un vieux débat qui a déjà été fait et qui n'est pas plus pertinent aujourd'hui qu'il ne l'était il y a quelques années», a-t-elle expliqué en réaction à l'annonce de la CAQ.

Mme Bernard faisait référence au vote référendaire organisé par la FSE et l'Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec en février 2004, au terme duquel 95 pour cent des quelque 60 000 enseignants du Québec consultés s'étaient prononcés contre la création d'un ordre professionnel.

Selon M. Legault, toutefois, la mise sur pied d'un tel ordre serait toute indiquée afin de concentrer l'aide financière dans les écoles qui comptent plusieurs élèves en difficulté, pour ensuite permettre à celles-ci de choisir la manière dont elles veulent disposer des subventions, que ce soit pour former des classes plus petites ou engager davantage de spécialistes.

«Les écoles sont les mieux placées pour gérer les ressources qui leur sont allouées. L'aide fournie pour les enfants en difficulté est actuellement mal répartie par les commissions scolaires», a-t-il ajouté, réitérant du même coup son désir d'abolir ces dernières.

«Un ordre ne changera absolument rien dans les milieux défavorisés», a renchéri Mme Bernard, en entrevue après l'annonce de la CAQ.  «Il existe déjà la stratégie Agir autrement un programme gouvernemental qui soutient financièrement près de 200 écoles primaires et secondaires en milieux défavorisés, il y a déjà des investissements importants, des actions ciblées.»

Elle propose ainsi de poursuivre les projets déjà établis dans le réseau de l'éducation, de s'assurer que les ressources mises en place soient utilisées adéquatement et d'inclure dans la discussion les enseignants qui travaillent dans les milieux difficiles.

En réaction à un sondage réalisé en février dernier pour le compte de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et dans lequel le personnel du milieu de l'enseignement s'est dit défavorable à l'idée de lier la rémunération des enseignants aux résultats scolaires de leurs élèves, le chef de la CAQ a dénoncé ce qu'il a qualifié de «malhonnêteté intellectuelle» de la part du directeur de la CSQ, Réjean Parent.

M. Legault a répété que «tous les enseignants auraient droit à la même augmentation» et qu'une modulation serait appliquée en fonction des différences entre les milieux favorisés et défavorisés. La CAQ souhaite ainsi que les enseignants travaillant dans les milieux plus difficiles aient droit à des augmentations de salaire plus importantes, «autour de 30 pour cent afin de s'assurer d'avoir les meilleurs enseignants là où on a les plus grands besoins», pour reprendre les mots de M. Legault.

Les critères d'évaluation seraient fixés par les experts indépendants de l'éventuel ordre professionnel et les membres de la CAQ, qui n'a pas encore évalué le coût d'une telle disposition.

M. Legault a également dit souhaiter rehausser les exigences dans les facultés d'éducation et attirer davantage d'étudiants dans ce domaine, sans toutefois préciser de quelle manière son parti y parviendrait.

L'ordre professionnel qu'il a annoncé aurait pour membres les enseignants du primaire et du secondaire, une proposition que l'enseignante du collège Ahuntsic Lise Bergevin a remis en cause vers la fin de la conférence tenue dimanche.  « Je pense qu'à moyen et long terme, ce que François Legault souhaite c'est vraiment de créer un ordre professionnel pour l'ensemble des enseignants au Québec. C'est ce que je comprends», a avancé celle qui participait aux consultations avec les membres de la CAQ, avant que ses collègues ne l'interrompent.

Par ailleurs, le chef de la CAQ s'est dit plutôt satisfait de l'appui des Québécois, dont le quart a dit avoir l'intention de voter pour son parti lors d'un sondage mené pour le quotidien Le Devoir des 5 au 7 mars derniers. «C'est déjà beau, 24 pour cent des appuis. C'est au-delà des espérances», a répondu M. Legault, questionné sur la dégringolade de 13 points de son parti, qui récoltait 37 pour cent des appuis en décembre dernier.  «L'électorat est volatile, et nous gardons le même objectif: former un gouvernement majoritaire.»