Jean Charest continuera de toucher un salaire d'appoint de son parti aussi longtemps que le projet de loi sur le code d'éthique des députés ne sera pas adopté, donc au moins jusqu'à l'automne.

Le premier ministre a apporté cette précision surprenante hier en faisant le bilan de la dernière session parlementaire, très mince sur le plan législatif. Cette session a pris fin comme elle a commencé, avec des attaques acerbes, alimentées en partie par la clôture des débats qu'a imposée le gouvernement.

 

Le 20 mai, Jean Charest s'est dit «prêt à renoncer» à sa prime annuelle de 75 000$ du PLQ afin de répondre à l'une des conditions de l'opposition pour adopter le projet de loi 48. Il a laissé entendre qu'il sacrifiait sa prime dès maintenant. Il ne l'a pas dit directement.

Or, le projet de loi 48 n'a pas été adopté avant la fin des travaux parlementaires hier, comme le souhaitait le premier ministre. Lors d'une conférence de presse, M. Charest a indiqué qu'il recevra son salaire d'appoint - en sus de sa rémunération de premier ministre - jusqu'à l'adoption de la loi. Il attendra donc que cette pratique soit officiellement proscrite.

Son leader parlementaire, Jacques Dupuis, a déjà déposé, à la fin du mois de mai, un amendement au projet de loi pour interdire à tout élu de toucher un salaire de son parti. M. Charest ne voit aucun problème à poursuivre une pratique que son gouvernement veut maintenant proscrire formellement.

«Je n'ai jamais cru qu'il y avait un problème éthique avec le salaire» du PLQ, a expliqué le premier ministre. Il touche une prime de son parti depuis 1998, mais son existence n'a été connue que 10 ans plus tard.

Le code d'éthique ne pourra être adopté avant l'automne, à la reprise des travaux parlementaires. Jean Charest accuse le PQ d'avoir fait de «l'obstruction systématique» lors de l'étude du projet de loi. Il dit avoir respecté ses deux conditions et accuse Pauline Marois de ne «pas respecter sa parole».

Maigre bilan législatif

Jean Charest reconnaît que la dernière session a été «difficile» pour son gouvernement. Il a dit, du bout des lèvres, avoir «une part de responsabilité» dans le ton particulièrement acrimonieux des échanges en Chambre au cours de la session, mais il impute surtout la faute à Pauline Marois. La chef péquiste a fait du «pur salissage», a-t-il dit, multipliant les critiques acerbes. Selon lui, Mme Marois et ses députés «ont utilisé l'immunité parlementaire pour salir systématiquement tout ce qu'ils pouvaient salir».

En cette fin de session, Jean Charest affiche un bien maigre bilan législatif. Une série de projets de loi majeurs restent en plan: sur le financement des partis politiques, les accommodements raisonnables, la sécurité routière, la qualité de l'environnement, le patrimoine culturel, entre autres. Le premier ministre a une fois de plus jeté le blâme sur le PQ. Comme prévu, le gouvernement a imposé la clôture des débats hier pour faire adopter le projet de loi 100 qui met en oeuvre des mesures contenues dans le budget Bachand.

»Embourbé dans les scandales»

Dans son bilan de session, Pauline Marois a affirmé que «le Québec est paralysé et embourbé dans les scandales» en raison de «l'entêtement» du premier ministre, qui «n'écoute plus la population». «Pour le bien du Québec, pour essayer de se remettre à la tâche sur des dossiers majeurs pour le Québec, M. Charest a un seul choix, soit il déclenche une commission d'enquête (sur l'industrie de la construction et le financement des partis politiques), soit il démissionne de son poste de premier ministre», a-t-elle dit.

Selon elle, le gouvernement fait preuve «d'improvisation» et «d'incompétence» dans la gestion des affaires publiques. Et un remaniement ministériel n'y changerait rien, car «il y a un problème de profondeur dans son équipe».

Pauline Marois reconnaît elle aussi avoir une part de responsabilité dans le climat malsain en Chambre au cours de la session. «J'ai sans doute élevé le ton peut-être à certains moments. Mais vous savez, c'est tellement frustrant quand on est dans l'opposition, qu'on n'a jamais de réponses, qu'on nous ridiculise presque, qu'on nous attaque personnellement», a-t-elle souligné.

Pauline Marois s'est défendue d'avoir fait obstruction à l'étude des projets de loi comme celui sur le code d'éthique. Cette loi était «mal préparée» et a nécessité plusieurs amendements, a dit son leader parlementaire, Stéphane Bédard.

Selon le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, le gouvernement Charest «est déconnecté de la réalité» et «en proie à des dérives éthiques nombreuses». Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, estime que «l'entêtement du premier ministre à ne pas déclencher une commission d'enquête (...) que tout le monde demande bloque l'horizon des travaux à l'Assemblée nationale».