Le premier ministre Jean Charest s'est fait accuser d'avoir une attitude qui frise le racisme en continuant de défendre les exportations d'amiante en Inde, où les travailleurs sont exposés aux risques cancérigènes de ce minerai extrait au Québec.

Dans une lettre virulente, envoyée cette semaine, un représentant d'un groupe militant pour la santé des travailleurs indiens exprime son incompréhension face à la position du gouvernement québécois.

Mohit Gupta, coordonnateur de Occupational & Environmental Health Network of India (OEHNI), soutient que M. Charest considère les travailleurs indiens comme des citoyens de seconde classe alors même que les maladies reliées à l'amiante continuent d'être, année après année, la principale cause de décès des travailleurs québécois.

M. Gupta accuse le premier ministre québécois de faire la démonstration «d'une profonde apathie, qui frise le racisme, envers les travailleurs et les communautés de l'Inde».

«Vous semblez avoir vendu votre esprit, votre coeur et votre âme à l'industrie de l'amiante, a-t-il écrit. Nous ne comprenons pas pourquoi vous appliquez deux poids, deux mesures.»

Selon M. Gupta, le premier ministre a recours à de faux arguments lorsqu'il prétend, en s'appuyant sur une résolution de l'Organisation internationale du travail (OIT), que l'amiante peut être utilisé de manière sécuritaire.

M. Gupta rappelle que l'Organisation mondiale de la santé et l'OIT se sont prononcées en faveur de l'élimination de ce produit, qui sert dans le secteur de la construction et entre dans la fabrication de pièces de voiture.

«Nous sommes choqués de voir que vous nous envoyez promener de la sorte, avec cette excuse fallacieuse», a-t-il écrit.

L'OEHNI répondait ainsi à une lettre dans laquelle un conseiller de M. Charest répète la position québécoise, en expliquant qu'il est possible d'utiliser l'amiante de façon sécuritaire.

Mario Lavoie reconnaît toutefois que l'amiante peut avoir des effets négatifs sur la santé si les normes scientifiques établies ne sont pas respectées.

En janvier dernier, M. Gupta était au nombre des signataires d'une première lettre réclamant à M. Charest la fin des exportations d'amiante en Inde où, indiquaient-ils, le minerai est manipulé par des travailleurs extrêmement pauvres dans des conditions dangereuses.

Hugo D'Amours, l'attaché de presse de M. Charest, a affirmé mercredi que la récente réplique de M. Gupta demeurera sans réponse.

«Notre lettre était très correcte, on a échangé, sur un ton cordial, nos points de vue étayés, a-t-il dit. Ce n'est pas vrai qu'on va rentrer dans un débat avec des gens qui nous insultent.»

Lors d'une mission en Inde, il y a trois mois, M. Charest a été interpellé à deux reprises par des groupes de travailleurs indiens réclamant la fin des exportations québécoises d'amiante dans leur pays.

La Trade Union Centre of India avait notamment affirmé que près de 25 pour cent des travailleurs indiens exposés à la poussière d'amiante développent des maladies pulmonaires, comme l'amiantose ou le mésothéliome.

Le syndicat avait aussi indiqué que 94 pour cent des emplois, en Inde, sont des «petits boulots», ce qui rend l'application de normes presque impossible, dans ce marché du travail peu structuré.

Alors qu'il participait à un sommet sur le développement durable, à Delhi, M. Charest avait refusé d'élaborer sur la possibilité d'une contradiction entre ses positions environnementales et le fait qu'il refuse d'agir dans le dossier des exportations d'amiante chrysotile.

Le premier ministre s'était limité à dire que le gouvernement de l'Inde était responsable de l'utilisation du produit sur son territoire.

En février, le Parti québécois et Québec solidaire ont tenté en vain d'inciter le gouvernement à débattre des risques liés aux exportations québécoises d'amiante dans les pays en développement.

Mercredi, alors qu'il présentait son premier rapport, le commissaire au développement durable, Jean Cinq-Mars, a affirmé que cette question était importante mais pas prioritaire.

«C'est une bonne question, mais ce n'est pas un dossier sur lequel on s'est penchés, a-t-il dit. Et on n'a pas analysé cette question actuellement.»