Pourtant écartée il y a un mois, l'idée de déclencher des élections fin octobre revient travailler Jean Charest et ses stratèges.

Le PLQ courtise l'électorat nationaliste, Jean Charest se pose en seul défenseur des intérêts du Québec: tout converge pour convaincre les Québécois de donner un mandat fort à leur gouvernement afin de faire contrepoids à une majorité conservatrice aux Communes.

 

La décision est loin d'être prise: le résultat des élections fédérales au Québec est une donnée centrale, indiquent des sources au PLQ. Mais les sondages pancanadiens, qui commencent à montrer que les conservateurs n'ont pas besoin de faire des gains importants au Québec pour obtenir un mandat majoritaire, alimentent la réflexion dans les rangs libéraux.

«Il y a un mois, la possibilité d'élections provinciales en 2008 était de 10%; elle est probablement à 40% aujourd'hui», confie-t-on dans les cercles des stratèges libéraux. Des conseillers de Jean Charest et «des organisateurs» font valoir que jamais les sondages n'ont été aussi favorables. La tenue prochaine du Sommet de la francophonie à Québec ne peut qu'avoir des retombées positives, croit-on entre autres à la direction du parti, qui a tenu une réunion vendredi soir en marge du conseil général.

À l'inverse, attendre le printemps pour lancer l'appel aux urnes comporte énormément d'incertitude. Le tsunami qui frappe l'économie américaine aura inévitablement un impact au Québec. La crise économique des années 30 avait été l'occasion d'un empiètement massif des compétences provinciales par Ottawa grâce au pouvoir fédéral de dépenser, arguent déjà certains apparatchiks.

Jusqu'à présent, des conseillers comme le chef de cabinet Dan Gagnier et les vétérans Michel Bissonnette et John Parisella s'interrogent sur l'opportunité de foncer dès la fin octobre. Mais bien des membres du Conseil des ministres, flairant la réélection, poussent pour que Jean Charest ne tarde pas trop.

Avantage stratégique

Aussi, si les conservateurs balaient le pays le 14 octobre, Jean Charest pourrait faire valoir qu'il a besoin d'un mandat fort pour faire contrepoids aux visées fédérales. Des élections rapides prendraient de court adéquistes et péquistes, alignés depuis un moment sur un scénario d'élections au printemps prochain.

Jouant leur rôle, les libéraux réunis ce week-end en conseil général à Québec ont encore une fois courtisé l'électorat nationaliste, terreau de l'ADQ et du PQ.

Les propositions qu'ils ont adoptées vont toutes dans le sens d'un nationalisme modéré. On demande à l'Office québécois de la langue française de mettre plus de moyens dans l'inspection des commerces et on préconise une application plus soutenue de la loi 101, tout en s'opposant à une hausse des amendes.

Une proposition issue de la commission politique réclame du fédéral qu'il s'engage à ce que tous les juges de la Cour suprême «aient une maîtrise suffisante de la langue française» et à ce que les sous-ministres fédéraux, les ambassadeurs et les dirigeants de sociétés d'État soient «parfaitement bilingues».

Les militants ont aussi approuvé, sans débat, une longue liste de revendications ramenant les conditions de Meech, rebaptisées «aspirations constitutionnelles»: retour du droit de veto du Québec, reconnaissance de sa spécificité, encadrement du pouvoir fédéral de dépenser et participation du Québec à la nomination des juges de la Cour suprême, dont trois viendraient du Québec. Le ministre des Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, a vite mis le couvercle sur la marmite: «Pas question de rouvrir la Constitution, il s'agit d'aspirations... à long terme», a-t-il insisté.