Un rapport interne du ministère fédéral de la Justice soulève des doutes concernant l'efficacité des peines plus sévères, la pierre angulaire des politiques en matière criminelle du gouvernement conservateur.

L'étude, qui couvre la période de 1977 à 2006, s'est penchée sur les cas d'environ 3300 personnes reconnues coupables d'avoir conduit avec les facultés affaiblies, et a découvert que 57 pour cent d'entre elles ont commis un nouveau crime au moins une fois lors des cinq années suivantes, en moyenne.

La sévérité de la première peine n'a pas eu d'impact sur le comportement des récidivistes.

«Il n'y a pas de preuve laissant croire que l'imposition d'une amende ou une peine d'emprisonnement a eu un effet sur la probabilité qu'un criminel récidive ou non», selon l'auteur de l'étude, André Solecki.

«Cela indique que la sévérité de la peine reçue n'a pas empêché les criminels de récidiver. Le taux de nouvelles condamnations pour l'ensemble des individus était similaire, et donc non influencé par la peine reçue pour la condamnation initiale pour conduite avec les facultés affaiblies», ajoute-t-il.

Cette étude, intitulée «Récidive chez les conducteurs avec les facultés affaiblies», fait partie des dizaines de rapports internes sur le système de justice préparés chaque année par des chercheurs ministériels, mais qui ne sont jamais publiés ou rendus publics.

La Presse Canadienne a obtenu ce rapport en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Une porte-parole du ministère n'a pas donné de détails expliquant pourquoi l'étude avait été commandée. Mais cet examen fait suite à l'adoption, en 2008, d'un projet de loi omnibus, la Loi sur la lutte contre les crimes violents, qui a révisé les peines pour la conduite en état d'ébriété, entre autres mesures pour «serrer la vis aux criminels».

L'amende minimale pour une première infraction de conduite avec les facultés affaiblies a été augmentée à 1000$, en hausse par rapport à 600$ auparavant, par exemple, et la peine d'emprisonnement minimale pour une récidive est passée de 14 à 30 jours de prison.

Les politiques conservatrices en matière de justice criminelle ont fait l'objet de critiques qui affirment que le gouvernement ignore les recherches basées sur des preuves pour obtenir des gains politiques parmi les Canadiens qui ne font pas confiance au système de justice canadien.

Une étude commandée par Justice Canada qui utilise une analyse statistique des méthodes de justice criminelle semble être en opposition avec la philosophie conservatrice de lutte contre le crime, d'autant plus qu'elle propose des conclusions contraires à propos des peines sévères.

Une porte-parole du ministre fédéral de la Justice Rob Nicholson a toutefois souligné que l'étude ne portait que sur un seul type d'offense criminelle, la conduite avec facultés affaiblies, et que ses conclusions ne pouvaient donc pas nécessairement être transposées à l'ensemble des crimes.

Elle a également cité un rapport de Statistique Canada remontant à 2003 qui prouve en partie l'efficacité des peines plus sévères en raison d'un déclin du nombre de crimes de conduite avec facultés affaiblies, et ce depuis des décennies.

«De toute façon, les Canadiens perdent confiance envers le système de justice lorsque les criminels reçoivent des peines qui ne reflètent pas la sévérité du crime», a écrit Julie Di Mambro dans un courriel.

De son côté, un porte-parole de l'organisme Mères contre l'alcool au volant (MADD) a déclaré que les découvertes de l'étude concernant le grand nombre de récidivistes contrastaient avec d'autres recherches, qui suggèrent que seuls environ 30 pour cent des criminels sont condamnés de nouveau.

Andrew Murie a également noté que certaines données du rapport de Justice Canada remontent à plus de trois décennies, et que les lois concernant la conduite avec facultés affaiblies.

Dans tous les cas, MADD n'a jamais demandé des peines plus sévères, explique-t-il en entrevue.