Un nombre croissant de députés conservateurs remettent en question la position de leur parti au sujet de l'exportation de l'amiante: certains d'entre eux ont même organisé de façon indépendante une rencontre privée avec des experts de l'industrie, la semaine dernière, sur la Colline parlementaire.

Il est rare de voir le caucus conservateur se diviser sur une question politique, la discipline de parti ayant été l'une des réussites du premier ministre Stephen Harper depuis son arrivée au pouvoir en 2006. Si une rébellion ouverte ne s'est pas encore déclarée sur le sujet de l'amiante, le malaise que la position conservatrice crée chez certains députés ne fait plus de doutes.

M. Harper s'est toujours opposé à l'inscription de l'amiante sur la liste des substances dangereuses d'un traité international qui vise à les réguler. Son gouvernement a toujours défendu bec et ongles cette industrie essentiellement basée au Québec.

Les premières failles dans l'image d'unité du caucus sont apparues le 1er novembre, lorsque cinq députés conservateurs ont brisé les rangs en s'abstenant lors d'un vote crucial dans le dossier de l'amiante. Le Nouveau Parti démocratique avait présenté une motion aux Communes pour interdire complètement les exportations de l'amiante canadienne.

Puis, lundi dernier, une rencontre privée a réuni une dizaine de députés conservateurs, qui ont interrogé des experts de l'Institut du chrysotile et de l'industrie pendant plusieurs heures.

Le député de Langley, en Colombie-Britannique, Mark Warawa, qui a déjà exprimé des inquiétudes au sujet de l'amiante dans le passé, a organisé la rencontre. En entrevue, il affirme qu'il cherchait simplement à s'informer.

Les détracteurs de l'industrie affirment qu'il est risible de s'attendre à ce que des pays en développement mettent en place des mesures de sécurité serrées pour réguler la manipulation de l'amiante. M. Warawa a indiqué qu'il souhaitait éclaircir la situation qui prévaut dans ces pays.

«L'amiante chrysotile peut être manipulée de façon sécuritaire. La question est plutôt de savoir si elle l'est. C'est ce que je veux savoir, a-t-il affirmé en entrevue avec La Presse Canadienne. Je crois que ça a toujours été le message de notre gouvernement.»

«Les décisions de la communauté internationale doivent être basées sur la science et les faits, et la rhétorique ne sert à rien», a ajouté le député Warawa, ajoutant que c'est pourquoi il faisait des recherches sur l'utilisation de l'amiante à l'étranger.

Le député de Lethbridge, en Alberta, Jim Hillyer a aussi assisté à la rencontre. Il a reconnu s'être abstenu lors du vote sur la motion du NPD, plus tôt en novembre, pour des raisons personnelles - plus jeune, il a souffert d'une leucémie. Une exposition régulière et directe à l'amiante a été liée à l'apparition de maladies des poumons, dont le cancer.

«Nous posons des questions afin de prendre des décisions que nous croyons être dans le meilleur intérêt du Canada, donc ce n'était certainement pas une célébration», a déclaré M. Hillyer quant à la rencontre privée.

«Mais nous n'étions pas là pour les attaquer ou pour s'en prendre à eux. Nous y étions simplement pour avoir des réponses à nos questions.»

D'autres députés qui n'étaient pas à la rencontre ont indiqué à La Presse Canadienne qu'ils n'étaient pas non plus à l'aise avec la position de leur gouvernement dans le dossier.

Un député conservateur, qui s'est confié à La Presse Canadienne sous le couvert de l'anonymat, a affirmé que certains de ses collègues auraient voté en faveur de la motion néo-démocrate contre l'amiante si elle avait été libellée de façon moins vague et qu'elle avait imposé une position au gouvernement.

«Je crois qu'il y a des gens qui veulent voir des actions être prises dans ce dossier», a affirmé le député.

Un porte-parole du premier ministre a confirmé que la rencontre avait eu lieu, mais a souligné que la position gouvernementale n'avait pas changé.