De nombreux projets ont été surfacturés, des contrats ont été accordés sans suivre les règles et plusieurs pièces justificatives demeurent introuvables.

Ce sont là trois des nombreux constats de la firme PricewaterhouseCoopers (PwC), dont le rapport portant sur la deuxième phase de vérification juricomptable du lucratif contrat de gestion des immeubles fédéraux a été rendu public hier.

Le mandat a été confié à PwC à la suite d'une enquête de La Presse publiée il y a un an et demi. On y faisait état de factures surprenantes, dont 5000$ pour faire installer six plafonniers encastrés, 1000$ pour faire installer une sonnette et près de 2000$ pour l'achat et l'entretien de deux plantes vertes. Tous ces services avaient été rendus par le gestionnaire dans l'immeuble abritant les bureaux du ministre des Travaux publics, à Gatineau.

SNC-Lavalin O&M, filiale du géant canadien du génie et anciennement appelée Profac, a remporté en 2004 ce contrat de gestion de la quasi-totalité du parc immobilier du gouvernement fédéral dans tout le pays - 320 immeubles en tout.

Si ce contrat était renouvelé jusqu'en 2015, SNC-Lavalin pourrait facturer jusqu'à 6 milliards de dollars aux contribuables canadiens.

Surfacturation de 44 000$

Or, cette deuxième phase de la vérification juricomptable a relevé que des 70 projets examinés, 36 avaient fait l'objet d'une mauvaise facturation.

Pour les besoins de son analyse, PwC a divisé ces projets en 141 «cas» où O&M a facturé les services de sous-traitants au ministère des Travaux publics. Ainsi, 5 de ces 141 cas ont donné lieu à une sous-facturation, pour un total de 16 290$; tandis que 38 cas ont engendré une surfacturation de 44 244$.

Pour la deuxième fois en moins d'un an, Ottawa a donc demandé à SNC-Lavalin de lui rembourser des sommes payées en trop, ce que l'entreprise a accepté de faire. La dernière fois, il s'agissait d'une surfacturation de 32 000$ pour des services de nettoyage dans les bureaux du ministre et du sous-ministre des Travaux publics. Cette première surfacturation avait été révélée par la première phase de la vérification de PwC, qui portait sur les sept transactions mises au jour par La Presse.

C'est donc près de 75 000$ que SNC O&M a accepté de rembourser en quelques mois, sur un échantillon de 77 projets passés au peigne fin par la firme comptable depuis un an. À noter que l'entreprise est responsable d'environ 6000 projets par année.

«Inquiétant»

La réaction de SNC-Lavalin s'est limitée à une brève déclaration: «SNC-Lavalin tient à faire preuve de transparence dans ses opérations envers tous ses clients, y compris Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC). Dans cet esprit, nous nous sommes pleinement conformés aux exigences de l'audit et nous sommes confiants d'avoir agi et d'agir encore en toute honnêteté pour notre client, et ultimement, les Canadiens.»

Selon un expert des finances publiques, cependant, les conclusions du rapport demeurent inquiétantes. «Il y a une perte de contrôle de la part du gouvernement», a noté Pierre P. Tremblay, professeur d'administration publique à l'UQAM.

«Ce type de laxisme fait qu'en jouant avec de petites sommes, plus on a de projets, plus les petites sommes se multiplient, et plus le chiffre est important, au bout du compte», a-t-il ajouté.

Renouvelable en 2013

Le rapport conclut également que le tiers des projets qui ont donné lieu à de la sous-traitance n'ont pas suivi les règles internes d'O&M en matière d'approvisionnement. En d'autres termes, l'entreprise n'a pas toujours invité le nombre requis de fournisseurs à présenter une soumission, et à une occasion, PwC a critiqué la décision de ne pas passer par un appel d'offres.

La firme comptable a rédigé une quarantaine de recommandations, que le gouvernement s'est engagé à suivre. Ces recommandations visent à favoriser un meilleur contrôle des travaux réalisés, sous-traités et facturés par O&M. L'entreprise s'est aussi engagée à vérifier des coûts engagés au cours de l'année 2009-2010 - vérification qui pourrait remonter jusqu'à 2005.

Il y a quelques mois, le ministère des Travaux publics a également amorcé un processus de consultation afin de déterminer la marche à suivre pour l'avenir du contrat de gestion de ses immeubles. La date d'échéance pour le dernier renouvellement du contrat est le 31 mars 2013. Il pourrait alors être prolongé de deux ans.

Avec la collaboration de William Leclerc