Dans une bataille procédurale qui pourrait durer des mois, l'opposition à Ottawa s'adresse maintenant au président de la Chambre des communes, Peter Milliken, pour qu'il sévisse contre la ministre de la Coopération internationale, Bev Oda.

Accusée par l'opposition d'avoir menti en comité, d'avoir falsifié un document et d'avoir induit les parlementaires en erreur, la ministre essuie les foudres de l'opposition depuis qu'elle s'est levée en Chambre, lundi, pour déclarer qu'elle était la responsable d'une modification faite à un document provenant de l'Agence canadienne de développement international (ACDI).

En comité, en décembre dernier, Mme Oda, responsable de l'ACDI, avait indiqué ne pas savoir qui avait modifié le document, pour y ajouter la mention «NOT», renversant ainsi la recommandation de ses fonctionnaires, qui avaient approuvé un financement de 7 millions de dollars à l'organisme Kairos.

L'opposition a d'abord déposé, en matinée hier, le rapport de la séance du comité des Affaires étrangères du 9 décembre, puis deux députés, du Parti libéral et du NPD, se sont levés en Chambre pour réclamer qu'à la lumière des informations contenues dans le rapport, le président détermine si la ministre a commis une atteinte au privilège parlementaire.

«C'est le droit de tout ministre de prendre des décisions ministérielles. Toutefois, un ministre n'a pas le droit de prendre une décision, puis de modifier un document de façon à laisser croire que c'est quelqu'un d'autre qui a pris cette décision, a indiqué le député libéral John McKay, soulevant sa question de privilège. M. le président, c'est très troublant qu'une ministre de la Couronne se conduise avec autant de mépris et si peu de respect pour sa position, ses collègues, les fonctionnaires, la communauté des ONG et les millions de Canadiens qui soutiennent le travail de Kairos.»

Atmosphère survoltée

La période des questions a été particulièrement survoltée, avec les députés de l'opposition qui criaient à l'unisson «Honte!» au leader parlementaire du gouvernement, John Baird, qui se levait pour défendre sa collègue, pour la troisième journée consécutive.

Mais la colère de l'opposition a été décuplée lorsque, pour la première fois depuis que la controverse a éclaté, la ministre Oda s'est levée en Chambre pour répondre à une autre question, sur Haïti, elle qui reste muette sur le financement de Kairos.

«Ils ne la laissent pas se lever et répondre en toute honnêteté aux questions. Ils répondent pour elle. Ils ont clairement perdu confiance en sa capacité d'expliquer ce qui se passe, a jugé, catégorique, le chef libéral, Michael Ignatieff. La situation est devenue complètement ridicule et c'est un abus du Parlement.»

À la veille d'une semaine de congé parlementaire, le secrétaire parlementaire du leader en Chambre, Tom Lukiwski, a réclamé que le gouvernement puisse répondre aux questions de privilège soulevées avant que le président ne rende sa décision, ce qui pourrait prolonger de plusieurs semaines les procédures.

Dans une annexe au rapport de comité remis au président Milliken hier matin, les députés conservateurs se rangent derrière la ministre, estimant même que c'est l'opposition qui tente d'induire les parlementaires en erreur, en déformant les propos de la ministre, «de manière à suggérer une atteinte au privilège».

Une pétition réclamant la démission de Mme Oda avait par ailleurs récolté, en fin de journée hier, près de 10 000 signatures.