On a beau parler communément de «l'échec de Meech», Gil Rémillard, ministre des Affaires intergouvernementales du Québec à l'époque de la négociation de l'accord constitutionnel, assure qu'il n'en est rien.

«Meech n'a pas été un échec, a-t-il affirmé au cours d'un récent entretien téléphonique. Meech a été un début de mise en place de tous ces moyens dont le Québec a besoin pour faire face au phénomène de la mondialisation des économies.»

L'entente, conclue entre le gouvernement fédéral et les provinces en 1987, s'est éteinte après que l'Assemblée législative du Manitoba - en raison principalement de l'opposition du député cri Elijah Harper - et le premier ministre de Terre-Neuve, Clyde Wells, aient refusé de l'entériner.

Le 22 juin 1990, le premier ministre Robert Bourassa consacrait la mort de Meech avec cette déclaration, devenue célèbre: «Le Canada anglais doit comprendre de façon très claire que, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, le Québec est, aujourd'hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement.»

Au même moment, M. Rémillard avait tenu des propos très durs sur le rejet de Meech, allant jusqu'à dire que celui-ci témoignait de la «faillite du système» de l'ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau, qui avait selon lui «bâclé une Constitution» au moment du rapatriement, en 1982.

L'accord du lac Meech prévoyait l'enchâssement dans la Loi constitutionnelle des cinq demandes minimales du gouvernement Bourassa, à savoir la reconnaissance du Québec comme société distincte, l'octroi d'un droit de veto aux provinces pour les changements importants à la Constitution, le droit de retrait avec compensation de tout programme fédéral empiétant sur les champs de compétence provinciaux, des pouvoirs accrus pour les provinces en matière d'immigration et la garantie que le Québec puisse sélectionner trois des neuf juges de la Cour suprême.

L'ancien ministre soutient que plusieurs de ces éléments ont pris la forme de «conventions constitutionnelles» au fil des ans. Il cite plus particulièrement le pouvoir fédéral de dépenser, qu'il juge mieux encadré qu'avant, et la reconnaissance du Québec comme nation par la Chambre des communes, en 2006.

«L'entente du lac Meech aura servi à préparer le terrain et 20 ans après, on se rend compte que maintenant, nous faisons beaucoup de choses comme on voulait que ça soit fait lorsqu'on a discuté de Meech», affirme Gil Rémillard.

«Quand on a commencé à négocier avec d'autres provinces, en 1986, si on avait voulu utiliser le mot «nation', on aurait dit «impossible, une nation, c'est des hommes et des femmes qui vivent ensemble dans un État souverain, c'est un pays! Vous ne pouvez pas vous appeler nation, vous faites partie de la fédération canadienne.» C'est comme ça qu'on avait choisi le mot «société' (distincte), qui a beaucoup moins d'impact au point de vue socio-politique que le mot nation.»

L'effet de la mondialisation

Selon M. Rémillard, l'acceptation au Canada anglais du mot nation pour décrire le Québec découle en bonne partie de la montée de la mondialisation, au cours des 15 ou 20 dernières années.

«Le contexte dans lequel Meech a été négocié était complètement à l'extérieur du contexte international de la mondialisation, qui a eu des effets extrêmement importants, a-t-il expliqué. (...) La mondialisation est venue donner au mot nation son sens de partie d'un ensemble. Maintenant, on peut parler de la nation québécoise et ça ne veut pas dire qu'on est indépendant.»

Jean-François Lisée, ancien conseiller des premiers ministres Jacques Parizeau et Lucien Bouchard, actuellement directeur exécutif du Centre d'études et de recherches internationales de l'Université de Montréal (CERIUM), est revenu récemment sur la mort de Meech par le biais de son blogue. Au cours d'un entretien téléphonique, il s'est montré vivement étonné du refus de Gil Rémillard de voir Meech comme un échec.

«C'est une extraordinaire réécriture de l'histoire parce qu'au contraire, l'expérience de Meech a montré le refus du Canada d'accepter la différence québécoise», a-t-il lancé.

M. Lisée fait remarquer que l'une des raisons de la mort de Meech a été le recours, par Québec, à la clause dérogatoire de la Constitution pour interdire l'utilisation de l'anglais dans l'affichage commercial (Loi 178)

«À partir du moment où le Québec montrait qu'il agissait de façon distincte, l'opinion canadienne s'est retournée contre lui», constate-t-il.

Le commentateur souligne par ailleurs qu'un sondage récent commandé par le Bloc québécois indiquait que 83 pour cent des Canadiens du reste du pays s'opposent à ce que la Constitution reconnaisse le Québec comme nation et que 61 pour cent d'entre eux ne veulent pas d'une nouvelle ronde de négociations constitutionnelles. Au Québec, 82 pour cent des répondants sont prêts à relancer l'exercice.

Or, depuis l'échec d'un autre accord, celui de Charlottetown, en 1992, et la défaite du camp souverainiste au référendum de 1995, aucun politicien de premier plan n'a osé proposer la relance de pourparlers constitutionnels.

Photo: Archives PC

Gil Rémillard et Robert Bourassa, lors de la commission parlementaire sur l'accord du Lac Meech.