L'assemblée d'investiture du Parti québécois dans l'Assomption a viré à la foire d'empoigne hier. Une trentaine de militants et de manifestants des Jeunes Patriotes se sont affrontés dans les rues paisibles de cette circonscription, à tel point que les policiers ont dû intervenir.

Des partisans de l'ex-député Jean-Claude St-André, dont la candidature a été rejetée par l'état-major du parti, ont voulu empêcher la tenue de l'assemblée. Ils ont bloqué l'entrée du local où la candidature de Scott McKay, ex-chef du Parti vert, devait être confirmée.Le comité de direction local avait adopté le matin même une résolution qui demandait l'annulation de l'assemblée, au motif que le parti n'avait aucune raison valable de rejeter la candidature de M. St-André.

Les troupes de Pauline Marois n'en ont pas tenu compte.

Les deux camps ont d'abord échangé des insultes avant d'en venir aux coups à deux reprises. Personne n'a été blessé, mais des voitures de police ont immédiatement été dépêchées sur place.

Les trois policiers de l'Assomption qui étaient en service ont vite été dépassés par les événements. Deux agents en congé ont été appelés en renfort, puis deux autres du service de police de Repentigny, puis encore autant de la Sûreté du Québec.

«Les gens se poussaient, se bousculaient, j'ai dû séparer deux individus qui en venaient aux coups», a raconté hier Luc Picard, un policier de l'Assomption. Un avis d'expulsion a été lancé. «Nous avons sommé les manifestants de partir, ce qu'ils ont fait dans le calme», a-t-il dit.

L'assemblée s'est finalement déroulée sous l'oeil des policiers, dans un calme qui tranchait avec le tumulte des minutes précédentes. Mais pour éviter d'échauffer les esprits, les militants ont dû montrer patte blanche et seuls ceux qui possédaient une carte d'identité ont été admis.

Quant à Scott McKay, il ne s'est pas présenté à sa propre investiture «pour des raisons de sécurité». Son élection, par acclamation, s'est réglée en quelques minutes, ce qui a soulevé un tonnerre d'applaudissements. Une seule question a été posée par un militant, qui a demandé des explications sur le rejet de la candidature de M. St-André. «Mme Marois a déjà expliqué ses raisons en conférence de presse ce matin», a simplement répliqué le président de l'assemblée, Jacques Saint-Louis.

La chef péquiste a affirmé que M. St-André avait été évincé surtout parce qu'il ne s'était pas rallié à la décision du parti de larguer l'obligation de tenir un référendum le plus tôt possible dans un premier mandat.

«Décision antidémocratique»

Joint par La Presse, Jean-Claude St-André, associé aux souverainistes purs et durs, a été cinglant envers Pauline Marois. «Je trouve cela navrant que des militants qui oeuvrent à l'avancement de la même cause en viennent entre eux aux coups, mais je pense très sincèrement que Pauline Marois doit en porter seule la responsabilité. Elle a pris une décision antidémocratique», a dit celui qui est devenu député en 1996 puis a été battu en 2007 par l'ADQ.

«On veut écarter un candidat parce qu'il n'adhère pas à la pensée unique, et après on se demande pourquoi la population est cynique envers les politiciens», a dit Maryline Lassonde, une représentante de l'exécutif local. Le président du Syndicat des cols bleus de la Ville de Montréal, Michel Parent, qui est aussi membre du comité exécutif local, a condamné le geste «antidémocratique» de Pauline Marois. Il a nié qu'il cherchait à torpiller la campagne de la chef péquiste et souligné qu'«elle ne s'aide pas elle-même» en imposant son candidat aux militants.

Jean-Claude St-André, qui se dit «déçu et en colère», n'exclut pas d'entreprendre des recours judiciaires contre son propre parti. «Jamais un chef n'a renié le principe fondamental selon lequel ce sont les membres dans leur association de circonscription qui choisissent leur candidat», a dit celui qui fut candidat à la direction du parti en 2005.

Pauline Marois juge «inacceptable» la foire d'empoigne survenue dans l'Assomption. «Je blâme ceux qui ont fait ces gestes», a-t-elle dit.

«Je n'aime pas que ça se passe de cette façon. Mais il fallait prendre une décision. Nous en assumerons les conséquences.»

Nécessaire adhésion

La chef péquiste a défendu la décision d'écarter la candidature de M. St-André. «On a droit à la dissidence, au Parti québécois. Mais quand on est candidat, on doit adhérer aux orientations et à la plateforme», a-t-elle expliqué.

Elle a aussi invoqué une autre raison, administrative celle-là. L'association du PQ dans L'Assomption, présidée par M. St-André, n'a pas remboursé une dette d'environ 50 000 $ contractée au cours de la campagne électorale de l'an dernier.

Mais ce «contentieux administratif» semble bien secondaire. La présidente du parti, Monique Richard, n'en a même pas parlé lors d'un point de presse, rappelant seulement la dissidence de M. St-André. La décision respecte les statuts du parti, qui prévoient que des «raisons graves» justifient le rejet d'une candidature, a-t-elle noté, déplorant que des péquistes en viennent à «se taper sur la gueule».

À L'Assomption, un seul point a rassemblé tous les militants, quelle que soit leur allégeance : la crainte que cette bisbille ait un impact dévastateur sur l'issue du scrutin. «C'est horriblement malheureux, a observé Huguette Hotte, dans l'organisation depuis 10 ans. Cette controverse ne me plaît pas du tout.»

«Une bande de sauvages»

«On a l'air d'une vraie bande de sauvages, on va perdre des appuis avec ça», a soufflé son voisin.

Selon le président du SPQ-Libre, Marc Laviolette, «cette histoire-là risque d'être un caillou dans notre soulier pour le reste de la campagne». «On n'a pas besoin des policiers dans nos réunions... Ce n'est pas une bonne chose», a ajouté l'ex-syndicaliste, qui s'est rallié à la décision de Mme Marois après l'avoir condamnée.

Joint par téléphone, Scott McKay a tenté de minimiser l'affaire. L'investiture a été «un peu mouvementée», a-t-il dit, mais il affirme que son arrivée est «bien accueillie par les militants». S'il ne pourra vraisemblablement compter sur le comité exécutif local dans sa campagne, M. McKay dit avoir autour de lui « des organisateurs de l'époque de Jacques Parizeau», ancien député de la circonscription, et d'autres qui «étaient mécontents» de M. St-André.

Des péquistes ont créé le comité Solidarité St-André et tiendront une manifestation aujourd'hui devant l'école La Petite-Patrie, à Montréal, où Pauline Marois a une activité publique.