Le Groupe CGI, de Montréal, est l'une des plus importantes firmes informatiques du monde. Son internationalisation oblige toutefois un grand nombre d'employés québécois à travailler essentiellement en anglais et plusieurs s'en plaignent.

Des employés ont communiqué avec La Presse pour faire part du phénomène. L'un d'eux, qui travaille à Montréal, nous explique que toutes les rencontres de gestion se tiennent automatiquement en anglais.

«L'invasion de l'anglais fait des insatisfaits chez les ressources qui travaillent au Québec depuis un bon bout de temps. Dans une rencontre de 15 personnes, par exemple, si une seule personne ne parle pas français, tout se déroule en anglais. C'est ainsi même si quatre personnes ne parlent pas anglais», nous explique cet employé.

Un technicien affirme avoir quitté l'entreprise en raison des trop grandes exigences en anglais. «Ma patronne travaillait de London [en Ontario] et ne parlait pas un mot de français. La documentation, les procédures, les courriels, tout était en anglais», dit-il.

Informaticiens de l'Inde

Selon une autre source, de nombreux développeurs ont plus de 50 ans chez CGI. Comme ils ont toujours fonctionné en français, ils éprouvent des difficultés avec les nouvelles exigences de l'anglais. Le recours plus fréquent aux informaticiens de l'Inde par téléphone ne facilite pas la tâche.

Le Groupe CGI a été fondé en 1976. L'entreprise compte 31 000 employés, dont le tiers sont au Québec. Les deux entités de CGI qui regroupent l'essentiel des employés du Québec ont obtenu en 1983 leur certificat de francisation de l'Office québécois de la langue française (OQLF). Ces certificats ont permis à l'entreprise d'avoir accès aux nombreux contrats du gouvernement du Québec et à ses généreuses subventions.

Pour une raison que ne peuvent expliquer ni l'OQLF ni CGI, l'entité qui englobe le siège social du Groupe CGI, rue Sherbrooke Ouest, n'a pas de certificat de francisation. Cette entité juridique est en vigueur depuis 1998, mais ce n'est qu'en 2010 que l'OQLF a demandé qu'elle entreprenne les démarches pour obtenir son certificat. Elle compte de 250 à 500 employés, selon le registre des entreprises, et probablement plus dans les faits, nous dit-on.

Le PDG de CGI est Michael Roach, anglophone unilingue. Il a remplacé le fondateur, Serge Godin, en 2006 et déménagé de Toronto à Outremont. Le comité de direction de CGI est formé de 19 membres, dont 10 viennent de l'extérieur du Québec. Les réunions se déroulent en anglais.

Traduction simultanée

Le porte-parole de l'entreprise, Sébastien Baranger, se dit étonné des commentaires d'employés, puisque le comité de francisation de l'entreprise n'a reçu aucune plainte au sujet de l'anglicisation du travail.

Le Groupe CGI, dit-il, compte 125 bureaux dans 20 pays. «Lorsqu'on fait des affaires à l'international, ça se passe généralement en anglais. Par contre, à l'interne, au Québec, c'est en français», dit M. Baranger.

Il donne l'exemple d'une grande réunion, la semaine dernière, à Montréal, où une formation a été donnée aux nouveaux cadres, notamment. Or, comme la plupart des nouveaux gestionnaires qui se sont joints à l'entreprise viennent des États-Unis, en raison des acquisitions, 80% des cadres de la formation étaient des anglophones.

«Mais toutes les séances de formation avaient tout de même un service de traduction simultanée en français», dit-il.

Quant à Michael Roach, il ne parle ni n'écrit le français, mais il le comprend, dit M. Baranger. Et toutes les communications internes qui partent de son bureau sont faites dans les deux langues.