Jusqu'au bout, Paola Ortiz aura espéré un autre dénouement. Mais la Cour fédérale a confirmé hier en fin de journée son expulsion, tôt ce matin, vers le Mexique. La jeune femme, mère de deux enfants canadiens, estime pourtant que ses jours sont en danger dans son pays natal.

Victime de violences physiques et sexuelles d'un conjoint officier de la police fédérale mexicaine, Paola Ortiz a fui son pays dans l'espoir d'obtenir l'asile au Canada. Sa demande d'asile politique a été rejetée. Tout comme sa demande de résidence permanente pour motif humanitaire, déposée deux ans plus tard.

La Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) doute en effet de la véracité du récit de la jeune femme, qui a continué à vivre sous le même toit que son bourreau. De plus, la CISR estime que le Mexique peut offrir toute la protection dont la jeune femme a besoin. Son avocat conteste fermement cet argument. «C'est une farce de croire qu'elle va recevoir une protection là-bas», souligne Me Stewart Istvanffy.

En 2009, indique-t-il, la Cour interaméricaine des droits de l'homme s'est prononcée contre le Mexique au sujet de la mort violente de trois femmes à Ciudad Juárez. «La grande faiblesse de notre système, c'est qu'une fois qu'on a dit non à une demande d'asile politique, on ne veut plus reconnaître nos erreurs. On espère qu'on va pouvoir arrêter l'expulsion et avoir la résidence permanente.»

La jeune femme a évité de se plier aux mesures de renvoi prises par les autorités au cours des dernières années. Mais les choses se précipitent dans les dernières semaines: elle est d'abord placée en détention quelques jours au mois d'août, puis relâchée, avant d'être informée, il y a deux semaines, de l'imminence de son renvoi.

Depuis son arrivée au Canada, la vie de Paola Ortiz n'a pas été un long fleuve tranquille. Elle souffre de dépression et du syndrome de stress post-traumatique. Ses deux enfants, tous deux citoyens canadiens, ont besoin d'un suivi médical: l'aînée, âgée de 4 ans, a un problème auditif, tandis que le cadet, 2 ans, est autiste.

Mais pour la première fois de sa vie, la jeune femme a aussi trouvé un équilibre. Elle travaille, elle est depuis un an mariée à un Canadien, qui l'a parrainée lors de sa dernière demande de résidence permanente. Une demande qui avait de fortes chances d'aboutir puisque Paola Ortiz avait obtenu l'aval de Québec pour rester ici. Le processus suivait son cours au fédéral. Mais l'expulsion met un terme à cette demande.

«Je ne sais pas ce qui se passerait si je devais retourner au Mexique, a-t-elle dit, émue, avant l'audience hier. Comme maman, je devrais décider si je laisse mes enfants ici. Si je rentre, je devrai vivre cachée, avec le stress. Je ne peux pas rentrer avec mes enfants. Je vais peut-être mourir là-bas.»

Pour Stewart Istvanffy, le refus de la Cour fédérale d'accorder un sursis à sa cliente illustre le nouveau parti pris du Canada en faveur des Mexicains. «Si on avait fait la même demande il y a 10 ans, elle aurait été immédiatement accordée», croit-il.