La grogne envers le budget Bachand s'est fait sentir jeudi après-midi. Des milliers de personnes - 12 000, selon les organisateurs - ont manifesté dans le quartier des affaires de Montréal pour dénoncer la tarification et la privatisation des services publics.

La marche s'est déroulée dans une ambiance festive, mis à part à la toute fin, lorsque des centaines de participants ont fait irruption à l'intérieur du Centre de commerce mondial, dans le Vieux-Montréal.

Les manifestants sont entrés dans le chic complexe de la rue McGill peu après 15h30. Au passage, des jeunes ont arraché des plantes et renversé quelques tables au rez-de-chaussée. Certains se sont dirigés au cinquième étage, où sont situés les bureaux du ministère des Finances.

La police de Montréal a rapidement maîtrisé les manifestants, qui n'ont pas résisté à l'expulsion. Pendant ce temps, les travailleurs des bureaux situés aux étages supérieurs regardaient la scène à travers les baies vitrées.

«Ce n'est vraiment pas approprié, a dit Jean-Michel Tremblay, employé de CGI. La manifestation, c'est pour protester contre le gouvernement. Pourquoi on s'en prend à nous?» La police n'a fait aucune arrestation.

«La richesse existe! Prenons-là où elle est!»

Plus tôt, des milliers de personnes ont participé à une grande manifestation organisée par une coalition composée d'une centaine d'organismes communautaires, syndicaux, féministes et étudiants.

Sur le thème de «La richesse existe! Prenons-là où elle est», la marche visait essentiellement à dénoncer l'impact que pourrait avoir la hausse des tarifs sur les ménages à moyen et à faible revenu. D'ici quatre ans, le gouvernement libéral entend hausser la taxe sur les carburants, les tarifs d'électricité et les droits de scolarité, en plus d'exiger une nouvelle contribution annuelle pour financer le système de santé.

Les manifestants se sont donné rendez-vous à 13h au square Phillips, rue Sainte-Catherine. «Aujourd'hui, c'est toute la classe populaire qui dénonce le budget Bachand!» a lancé d'emblée l'une des organisatrices, Marie-Ève Rancourt, devant une foule bruyante et festive.

Le cortège a pris d'assaut la rue Sainte-Catherine en direction de l'immeuble d'Hydro-Québec, à l'angle du boulevard René-Lévesque et de la rue Saint-Urbain.

Lucie Charest, de Longueuil, marchait en compagnie de ses trois enfants de 3 mois, 3 ans et 6 ans. «C'est pour eux que je suis ici, a lancé la jeune mère. Dans 20 ans, je veux qu'ils aient les moyens d'étudier à l'université.»

La foule était composée de plusieurs étudiants de l'UQAM et de cégépiens du collège de Maisonneuve, qui étaient en grève jeudi pour dénoncer la hausse des droits de scolarité prévue pour 2012.

«La hausse des droits, c'est la privatisation du système d'éducation», a lancé Jean-François Roy-Plourde, étudiant en science politique à l'UQAM.

La manifestation s'est terminée devant le Centre de commerce mondial, au square Victoria. Sous un soleil radieux, les manifestants brandissaient leurs pancartes en écoutant les organisateurs de la marche prendre la parole.

Jean Trudelle, président de la Fédération des enseignants et des enseignantes du Québec, a qualifié le budget Bachand de «torchon» et de «saccage du modèle québécois».

«Ce n'est pas à la classe moyenne et aux plus démunis de payer les frais de la crise, a-t-il lancé sous un tonnerre d'applaudissements. Combien ça rapporterait à l'État québécois, l'ajout de deux ou trois paliers d'imposition pour les plus hauts revenus? Ça rapporterait combien à l'État, une vraie réforme de la fiscalité qui empêcherait les échappatoires fiscaux? Ça rapporterait combien à l'État, des taxes contraignantes sur les transactions spéculatives?»

Déjeuner-causerie

Pendant ce temps, Raymond Bachand a présenté son budget aux gens d'affaires de Montréal dans un hôtel du centre-ville à l'invitation de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

L'accueil qu'il a reçu contrastait énormément avec la marche qui se déroulait à quelques coins de rues de là: le président de la Chambre, Michel Leblanc, a qualifié l'exercice budgétaire de «responsable» et de «montréaliste».

Raymond Bachand a insisté sur la nécessité de revenir à l'équilibre budgétaire et sur l'importance de trouver des nouvelles sources de financement pour maintenir les services publics.

«La problématique n'est pas simple», a-t-il convenu, affirmant devoir conjuguer avec de multiples «groupes de pression aux réclamations contradictoires».

«Les réactions à notre budget sont multiples, a-t-il déclaré. Je ne suis pas surpris. C'est un peu normal lorsque des façons de faire sont remises en question, mais je crois que nous avons répondu aux attentes réalistes de la majorité des gens.»