La rumeur court qu'un imbroglio bureaucratique typiquement canadien s'est produit lorsque les filles Shafia désiraient obtenir de l'aide des autorités, il y a trois ans.

Des responsables de la Direction de la protection de la jeunesse, au Québec, ont révélé à La Presse Canadienne que les travailleurs sociaux travaillant sur ce dossier ne possédaient pas toutes les informations à propos de ce qui se passait dans la famille.

La protection de la jeunesse est divisée selon la langue à Montréal, une agence s'occupant des plaintes en anglais et l'autre, des plaintes en français.

Lorsque les services français de la DPJ ont reçu une plainte en avril 2009, ils ne savaient pas que leurs collègues anglophones avaient enquêté sur une plainte précédente déposée par les soeurs Shafia l'année précédente.

Jusqu'à tout récemment, il n'existait pas de registre provincial pour aider les différentes agences à partager des informations sur des dossiers.

Le chef de la protection de la jeunesse dans l'agence anglophone Batshaw de Montréal estime que si les travailleurs sociaux avaient eu les détails de la plainte précédente, ils auraient pu traiter l'affaire différemment. Un responsable de la protection de la jeunesse a précisé que le dossier aurait alors été considéré comme étant un doublon, ce qui aurait déclenché des signaux d'alarme chez les enquêteurs.

«Lorsque vous avez une situation qui se répète, qu'un an s'est écoulé et que les choses ne se sont pas améliorées, voire même si elles ont empiré, s'il n'y a pas seulement un enfant qui se plaint de la situation et qui est effrayé, cela accroît certainement nos inquiétudes», a déclaré Madeleine Bédard, la directrice de la protection de le jeunesse de l'agence Batshaw Youth and Family Services, l'institution anglophone, lors d'une entrevue.

Un changement de politique est déjà en vigueur. Un nouveau registre panquébécois, qui permet le partage d'information, a en fait été lancé seulement un mois après la plainte finale des filles Shafia en 2009.

Les corps de Zainab, Sahar et Geeti Shafia, ainsi que celui de Rona Amir Mohammad, ont été découverts dans une voiture au fond du Canal Rideau à Kingston, le 30 juin 2009. Dimanche, trois autres membres de la famille montréalaise, dont le père et la mère, ont été reconnus coupables de quatre accusations de meurtre au premier degré.

Lorsque l'Agence Batshaw a reçu la plainte initiale, en 2008, Mme Bérard a dit que des enquêteurs avaient immédiatement entrepris leur travail. La directrice de l'agence indique toutefois qu'ils ne disposaient pas les preuves d'agression ou de détresse psychologique nécessaires pour poursuivre leur travail, étant donné que Sahar Shafia s'est plus tard rétractée.

Mme Bérard a assuré qu'une enquête interne complète avait été menée. Celle-ci a démontré que les services de protection de la jeunesse avaient agi en vertu des protocoles alors en vigueur.

Puisque la culture a joué un rôle dans l'affaire Shafia, l'agence rencontre désormais des leaders et des consultants afin de faire la promotion d'une meilleure sensibilisation dans les communautés culturelles.

Le gouvernement du Québec est demeuré muet sur l'affaire, lundi, soulignant la possibilité d'un appel et citant des questions de respect de la vie privée, en plus de refuser d'indiquer si un ou plusieurs changements de politique étaient nécessaires après l'affaire Shafia.