Craignant pour sa sécurité et celle de sa famille, un leader de la communauté hassidique montréalaise, Michael Rosenberg, s'est tourné vers les tribunaux pour empêcher Pierre Lacerte, un citoyen d'Outremont connu pour ses propos controversés sur les Juifs, de s'approcher de lui et de sa famille.

Homme d'affaires influent et président du Groupe Rosdev, M. Rosenberg soutient que Pierre Lacerte le harcèle, notamment en le photographiant, chaque fois qu'il se rend à la synagogue, c'est-à-dire deux fois par jour, sauf le dimanche. Pierre Lacerte habite tout près de cette synagogue, située rue Hutchison, à Outremont.

Michael Rosenberg dit avoir été victime de ce manège pendant près de trois ans, entre le 21 février 2005 et le 13 juin 2008. Il a porté plainte à la police en juillet 2008. «Je lui ai demandé à plusieurs reprises de ne pas me suivre et de ne pas me prendre en photo», a dit M.Rosenberg, hier, à la juge Manon Ouimet, au palais de justice de Montréal.

Dans l'espoir que cela cesse, il affirme même avoir changé de synagogue alors qu'il fréquentait celle de la rue Hutchison depuis une quarantaine d'années. Son père en est l'un des fondateurs.

De son côté, Pierre Lacerte refuse de signer l'interdit de contact que demande la Couronne. Cette disposition du Code criminel (article 810) est une mesure préventive qui vise à empêcher qu'un crime se produise. «Ce serait un aveu de culpabilité. Je n'ai pas troublé la paix ni harcelé M.Rosenberg», a dit M.Lacerte à La Presse en marge de l'audience.

«Haine disproportionnée»

Le blogue de Pierre Lacerte, accommodementsoutremont.blogspot.com, est au coeur du litige. M.Lacerte admet avoir photographié Michael Rosenberg à plusieurs reprises pour ensuite publier les photos sur son blogue. Mais il ne considère pas cela comme du harcèlement. «Mon but est de dénoncer le laxisme des autorités municipales face à des choses illégales qui se passent, dont certaines commises par M.Rosenberg et son fils», a-t-il expliqué.

L'une des photos produites en preuve montre la voiture de M.Rosenberg garée en double devant la synagogue. Ce leader de la communauté hassidique a reconnu que c'était illégal et qu'il avait déjà reçu des contraventions. «Des contraventions que j'ai payées, a-t-il précisé. Je ne suis pas différent des autres Montréalais.»

Michael Rosenberg croit plutôt que Pierre Lacerte est obsédé par lui. «Quand je regarde son site, je me sens intimidé, menacé. On y dit des choses complètement fausses. Je crains ce qui va se produire dans l'avenir. J'y vois une haine disproportionnée», a-t-il expliqué à la juge de la Cour du Québec.

Contre-interrogé par la défense, le promoteur immobilier a reconnu avoir déjà traité Pierre Lacerte d'«idiot antisémite» lors d'un incident où ce dernier venait de le prendre en photo.

«La définition d'antisémite dans le dictionnaire, c'est le fait de s'en prendre à une personne juive», a précisé M.Rosenberg à l'avocat de Pierre Lacerte, Me Clemente Monterosso.

La preuve de la Couronne se poursuit aujourd'hui avec le témoignage du fils de Michael Rosenberg, Martin. Si la juge Ouimet prononce un interdit de contact et que M.Lacerte refuse de le signer, il s'expose à une peine maximale de 12 mois d'emprisonnement.

Pierre Lacerte est intervenu souvent au conseil d'Outremont sur des questions touchant la communauté hassidique, à l'égard de laquelle l'arrondissement fait preuve de laxisme, à son avis. En mars 2008, Outremont et la Ville de Montréal l'avaient d'ailleurs mis en demeure de cesser de diffuser «le nom, le logo et les armoiries» de l'arrondissement et de la Ville sur son blogue.