Il fait partie du paysage urbain. Il appartient à tout le monde et à personne. Il est régulièrement barbouillé, mutilé, tagué, volé. Mais il a un prix. Lequel? Alors que le grand ménage du printemps bat son plein, Zoom se penche sur la valeur du mobilier urbain et réfléchit sur le vandalisme et l'incivisme, deux «maladies» contagieuses particulièrement endémiques chez les rats des villes...

La théorie de la vitre brisée

James Q. Wilson et George L. Kelling sont les auteurs de la «théorie de la vitre brisée», d'après un article qu'ils ont publié dans le magazine The Atlantic Monthly en 1982. Celle-ci veut que si une fenêtre brisée n'est pas remplacée, toutes les autres vitres de l'immeuble seront bientôt brisées. Pourquoi? Une fenêtre brisée non remplacée laisse entendre que tout le monde s'en fiche et que casser d'autres vitres ne fera aucune différence. L'article a grandement influencé les leaders locaux de l'époque, dont ceux de New York et de Boston, qui en ont appliqué les principes avec succès.

De l'anonymat des quartiers

En 1969, des chercheurs de l'Université Stanford abandonnent deux voitures, capot ouvert et sans plaque minéralogique, dans un quartier mal famé (à l'époque, le Bronx, à New York) et dans un quartier favorisé (Palo Alto, en Californie). La voiture dans le Bronx est vandalisée 10 minutes après son abandon. Celle de Palo Alto végète une semaine sans une égratignure, jusqu'à ce que les chercheurs fracassent une glace et donnent ainsi un signal plus «explicite» de son abandon. Conclusion: dans ces quartiers où les citoyens ne se sentent pas concernés par leur environnement, le vandalisme surgit plus rapidement. «Je crois que les conditions environnementales et sociales contribuent à faire sentir à certains citoyens qu'ils sont anonymes [...], que personne ne reconnaît leur individualité et, par le fait même, leur humanité», a écrit le professeur Philip Zimbardo.

Du graffiti aux petits papiers

Une fois qu'une règle a été enfreinte par un individu, d'autres sont susceptibles de lui emboîter le pas. En 2008, pour tester la théorie de la vitre brisée, des chercheurs néerlandais de l'Université de Groningen ont glissé des tracts dans des poignées de vélos; les premiers étaient garés près d'un mur propre, les autres le long d'un mur couvert de graffitis. Résultat: 69% des cyclistes garés près du mur sale ont jeté les papiers par terre, tandis que seulement 33% des cyclistes près du mur propre ont fait de même. Plus encore: les chercheurs ont laissé une enveloppe transparente avec un billet de 5 euros coincée dans la fente d'une boîte aux lettres. Lorsque la boîte était propre, 13% de ceux qui ont vu l'enveloppe l'ont volée. Lorsque la boîte était couverte de graffitis, l'enveloppe a été volée dans 27% des cas.

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Notes:

1. Estimations fournies par la Ville de Montréal, l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal et la STM.

2. Abribus avec caisson publicitaire, propriété de CBS Affichage. Le prix ne comprend pas l'installation et le raccordement électrique. Les abribus semblables, sans caisson de publicité et propriété de la STM, valent deux fois moins cher. Chaque remplacement de vitre (élément le plus souvent brisé des abribus) coûte environ 200$. Le nettoyage de graffitis se fait au taux de 20$ l'heure et nécessite deux employés.

3. Arbre sur le Plateau: frais de plantation et taxes inclus.