Une juge vient d'ordonner à la Ville de Montréal de verser 4000$ à un cycliste qu'un policier a poursuivi jusque chez lui, revolver au poing, et a blessé au nez. Le cycliste n'avait pas de phare blanc à l'avant de son vélo et le policier croyait, à tort, qu'il s'agissait d'un voleur.

Le 23 février 2008, Marc-David Andrade revient d'un voyage en vélo à la Martinique. Il atterrit à l'aéroport Montréal-Trudeau en fin de soirée, prend son sac à dos et son vélo et se dirige chez lui, à Senneville, en pédalant. Il fait 7° au-dessous de zéro. En arrivant près de chez lui, il croise une fourgonnette de la police de Montréal, conduite par le policier Mario Richard.

M. Richard fait demi-tour pour le rejoindre et allume ses gyrophares. Ignorant que c'est lui qui est interpellé, M. Andrade poursuit sa route et tourne dans sa rue. M. Richard l'arrête. Le cycliste lui présente son passeport, mais le policier refuse de le prendre. Il appelle plutôt des renforts.

M. Andrade entre chez lui par la porte arrière, désactive le système d'alarme et laisse choir son sac à dos sur le plancher de la cuisine.

«Le policier tente d'entrer à son tour - il a une arme à la main - et, en donnant un coup de pied dans la porte pour l'ouvrir, il blesse M. Andrade au nez. Celui-ci se met à saigner abondamment. Les photos annexées à sa mise en demeure montrent très bien sa blessure», écrit la juge Suzanne Vadboncoeur, de la Cour du Québec, dans un jugement rendu mercredi dernier.

Une fois les renforts arrivés, M. Richard ordonne à M. Andrade de sortir de sa maison. Le cycliste remet son passeport à une policière. Des agents lui passent les menottes et vident son sac à dos sur la chaussée. Ils semblent douter de son identité. Au bout du compte, ils ne trouvent que ses effets personnels et des vêtements.

Finalement, les policiers lui enlèvent les menottes et s'en vont, sans s'excuser. Un voisin, témoin de la scène, vient réconforter M. Andrade et prend des photos de sa blessure. Le cycliste envoie un avis de réclamation de 7000$ en dommages pour blessures ainsi que pour détention et fouille abusives. Trois mois plus tard, il reçoit un avis d'infraction parce que son vélo n'était pas muni d'un phare blanc à l'avant.

«Détention arbitraire»

La juge Vadboncoeur affirme que M. Andrade a été victime «d'une détention tout à fait arbitraire». «Mario Richard (le policier) a agi de façon déraisonnable en refusant de prendre connaissance du passeport (...) en le menaçant de son arme et en le forçant à être dehors à une température très froide plutôt que de l'interroger à l'intérieur de sa maison, écrit-elle. Étant superviseur, il a aussi permis que le demandeur soit menotté par ses collègues arrivés en renfort.»

«Les policiers, ajoute-t-elle, ont commis une faute en procédant à une fouille abusive du sac à dos à l'extérieur, sur la chaussée, alors que ce dernier voulait prouver son identité en leur montrant son adresse domiciliaire qui figurait à la page 4 de son passeport, que ceux-ci refusaient obstinément de voir.»

Une infraction mineure au Code de la sécurité routière «ne justifiait certainement pas une détention», indique la juge, qui cite des articles de la Charte des droits: «Nul ne peut faire l'objet de saisies, perquisitions ou fouilles abusives; toute personne arrêtée ou détenue doit être traitée avec humanité et avec le respect dû à la personne humaine.»

«Le Tribunal comprend l'indignation et la frustration du demandeur, conclut-elle, mais il considère qu'une somme de 3000$ serait plus raisonnable dans les circonstances, plus 1000$ en dommages punitifs reliés à la violation des droits protégés par les chartes.»