Les Québécois ont beau être d'irréductibles gaspilleurs d'eau, rien n'est prévu pour réduire leur appétit dans le projet de loi du gouvernement Charest sur la protection de cette ressource, dénoncent les partis de l'opposition.

Pour donner du muscle à cette pièce législative, l'Action démocratique propose l'adoption d'une «réglementation» limitant la consommation individuelle d'eau avec l'interdiction, par exemple, de nettoyer son entrée asphaltée à l'aide d'un tuyau d'arrosage.

Le Parti québécois, pour sa part, demande l'insertion d'une «stratégie québécoise d'économie de l'eau potable», similaire à celle d'Hydro-Québec en matière d'efficacité énergétique.

En marge du premier jour de la commission parlementaire sur le projet de loi 92, qui vise à «affirmer le caractère collectif des ressources en eau et à renforcer leur protection», les députés de l'opposition ont déploré l'absence de mesures concrètes destinées aux citoyens.

Dévoilé en juin dernier, le projet de loi 92 vise essentiellement à encadrer les gros utilisateurs d'eau (plus de 75 000 litres d'eau par jour), tout en donnant de nouveaux outils à l'État pour intervenir en cas de préjudice écologique.

En entrevue avec La Presse, le critique adéquiste Normand Roy s'est dit d'accord avec le principe du projet de loi, tout en nourrissant de grandes réserves sur sa réelle portée. «En Afrique, on consomme 12 litres par jour, tandis qu'ici, c'est 400 litres! Pour être logique, il faudrait donc s'attaquer à certains comportements. On ne peut tolérer que des gens nettoient leur asphalte avec de l'eau de la Ville ou arrosent leur gazon quatre fois par semaine.»

Son de cloche similaire du côté péquiste, où le critique Denis Trottier rappelle que les Québécois sont parmi les plus gros consommateurs d'eau de la planète. «Les gens n'ont tout simplement pas l'impression de gaspiller, d'où l'importance d'avoir un paquet de mesures visant à renverser la tendance», a-t-il indiqué.

Exemple éloquent de ce problème: le volume des réservoirs de toilettes. «Ce sont possiblement les plus gros au monde, observe M. Trottier. En Europe, ils ont besoin d'une tasse d'eau pour faire le même travail. Pourquoi donc ne pas avoir des mesures financières incitatives pour favoriser l'achat de produits à faible consommation?»

Exportation massive

Par ailleurs, M. Trottier a demandé à la ministre de l'Environnement, Line Beauchamp, de préciser un peu plus son projet de loi pour empêcher, une fois pour toutes, l'exportation massive de l'eau en vrac.

N'est-ce pas déjà prévu dans le document? «Peut-être, mais avec les libéraux, on ne sait jamais. La ministre se veut rassurante, mais compte tenu de certaines déclarations passées, nous avons de vive inquiétudes», a répondu le député péquiste en faisant référence à la suggestion de la présidente du Conseil du Trésor, Monique Jérôme-Forget, de confier la gestion de l'eau au privé.

La sortie récente de l'Institut économique de Montréal, qui soutient que le Québec pourrait toucher plus de 6 milliards de dollars par année s'il exportait 10% de son eau douce renouvelable, n'a fait qu'aviver un peu plus les craintes du Parti québécois.

L'ADQ est beaucoup plus tiède sur cette question, refusant de prendre une position claire. «Je ne crois pas qu'on en soit encore là, ni qu'on va arriver là», a d'abord indiqué M. Roy.

«Les Américains, on le sait bien, vont manquer d'eau tôt ou tard. Il faudra voir comment on va être capable de répondre à cette demande», a-t-il ajouté plus tard.