Les libéraux ont perdu 27 sièges aux élections du 14 octobre par rapport à leur résultat de 2006. Ils ont vu le vote populaire en leur faveur plonger de 30,2% à 26,2%, soit une perte de 850 000 voix, un véritable désastre pour un parti «historique», sa pire performance depuis la naissance de la Confédération. Le PLC a été assimilé à la gauche pendant toute la durée de la campagne, dans le même camp en somme que les néo-démocrates et les verts. Ce positionnement leur a-t-il été fatal?

Hier, dans son éditorial, le Globe and Mail a affirmé que le Parti libéral se devait de regagner le centre pour pouvoir l'emporter la prochaine fois. Il devait se défaire de cette catégorisation de parti de gauche.

 

L'ancien vice-premier ministre libéral, John Manley, pense également de la sorte: «Si j'avais à critiquer Stéphane, a-t-il dit mercredi, je dirais qu'il a entraîné le parti sur un terrain très encombré où peu de votes sont disponibles, c'est-à-dire à gauche. Ce n'est pas en se campant dans ce territoire que l'on gagne des élections.» M. Manley souhaite un retour au centre du PLC.

Beaucoup des votes destinés traditionnellement aux libéraux ont pour ainsi dire glissé vers les candidats néo-démocrates et verts.

Les verts, pour leur part, ont certes obtenu un résultat inférieur à ce qui était prévu. Le parti d'Elizabeth May a recueilli seulement 275 000 votes de plus qu'en 2006, une augmentation de 41%. Mais cela fut parfois suffisant pour priver les libéraux de la victoire dans certaines circonscriptions.

Les néo-démocrates, eux, sont passés de 30 à 37 sièges avec 18,2% du vote populaire, une mince progression par rapport au 17,5% de 2006, mais une progression qui a aussi coûté certains sièges aux libéraux.

Par exemple, dans la circonscription d'Egmont à l'Île-du-Prince-Édouard, un fief libéral réputé imprenable, la candidate conservatrice Gail Shea a devancé le libéral par 62 voix. La candidate verte, Rebecca Ridlington, termine en quatrième position avec 626 voix. Le vote vert a coûté la circonscription aux libéraux.

Dans Nova-Ouest en Nouvelle-Écosse, la défaite du libéral Robert Thibault peut encore s'expliquer par le vote vert. L'écart entre M. Thibault et le conservateur victorieux, Greg Kerr, est de 1494 voix. Le candidat vert Roland Mills, quatrième, a recueilli 2114 voix. Quant au néo-démocrate, George Baron, il a certainement joué un rôle aussi dans la défaite de l'ancien ministre avec ses 7097 voix.

On peut faire le même exercice au Nouveau-Brunswick dans deux des trois circonscriptions ravies par les conservateurs aux libéraux, c'est-à-dire Saint-Jean et Fredericton.

En Ontario, les conservateurs ont ravi 12 circonscriptions aux libéraux. Dans six de ces circonscriptions, le vote vert a suffi à priver le PLC de la victoire. Dans les six autres, les libéraux sont privés de victoire en raison d'une combinaison du vote vert et du vote néo-démocrate.

Un des exemples probants est certainement celui de la circonscription de Kitchener-Waterloo où le libéral sortant, Andrew Telegdi, a mordu la poussière par seulement 73 voix aux mains du conservateur Peter Braid. La candidate du Parti vert, Cathy MacLellan, a recueilli 7329 voix.

En Colombie-Britannique, dans Vancouver-Nord, Richmond et Vancouver Kingsway, les libéraux ont également perdu ces circonscriptions en raison de la division du vote de la gauche, un scénario qui s'est répété aussi au Nunavut.

Les libéraux ont ainsi perdu près de 20 circonscriptions aux mains des conservateurs en raison de cette désaffection de certains de leurs électeurs au profit des néo-démocrates et des verts. Cela ne veut pas dire que sans cette désaffection, ils auraient remporté la victoire. Non, mais leur score final aurait été beaucoup plus honorable que ce maigre résultat de 76 sièges.

Stéphane Dion n'avait pas tort lorsqu'il affirmait en pleine bataille électorale qu'un vote pour Jack Layton était un vote pour Stephen Harper. Il n'avait pas tort non plus de souhaiter qu'Elizabeth May donne le mot d'ordre à ses troupes aux derniers jours de la course afin qu'elles appuient le chef libéral de façon à contrer les conservateurs.