Les étudiants qui s'affichent en faveur de la hausse des droits de scolarité ont la vie dure par les temps qui courent. La boîte courriel d'Arielle Grenier a été submergée de messages haineux après qu'elle eut dit à La Presse qu'elle se présenterait à ses cours même si son association se prononçait en faveur d'un débrayage.

D'autres ont utilisé les médias sociaux pour faire parvenir leurs menaces à la jeune femme. Sur la page Facebook de la faculté de science politique et de droit de l'UQAM, un étudiant a invité ses collègues à «inonder la messagerie d'Arielle Grenier de messages pro-grève et d'articles éclairés (pour) la pauvre brebis égarée». L'auteur conclut sa note en écrivant: «Je veux sa tête sur son bureau. Point final.»

Mme Grenier, qui est l'une des porte-parole du Mouvement des étudiants socialement responsables, n'en est pas à ses premières menaces. Dans un cours de politique et économie de l'Université de Montréal, le professeur a demandé à sa classe de se prononcer sur la hausse des droits de scolarité. Mme Grenier a osé prendre la parole, mais ses propos ont déclenché des huées dans l'auditorium de 300 personnes, soutient-elle.

«On peut dire que c'est une forme d'intimidation de huer une personne. Je me fais traiter d'extraterrestre. On me dit que je viens d'une autre planète», affirme celle qui étudie en sciences politiques.

Mercredi, lors de l'assemblée générale de son association étudiante, Mme Grenier, qui portait le carré vert symbole des étudiants en faveur de la hausse des droits de scolarité, aurait aimé défendre son point de vue. La salle était pleine à craquer et le président de l'assemblée n'a pas semblé voir son bras s'agiter dans les airs. Elle a dû passer son tour.

À sa sortie de l'auditorium, des étudiants sont venus la voir, déçus parce qu'elle n'avait pas pu exprimer son point de vue. D'autres l'ont interpellée, en groupe de deux ou trois, pour carrément défier ses opinions.

Mme Grenier croit que les étudiants doivent faire leur part pour permettre aux universités d'embaucher des enseignants compétents et pour réduire leur déficit. «En coupant deux bières par semaine, les étudiants réussiraient à absorber la hausse», résume-t-elle.

Traité de fasciste

Arielle Grenier n'est pas la seule à subir les représailles de ses pairs. À l'Université de Sherbrooke, Frédéric Lamontagne s'est aussi fait conspuer dans une assemblée générale, l'hiver dernier. «On m'a hué et en sortant, il y a des petits amis avec un carré rouge qui m'ont traité de fasciste et m'ont suggéré de retourner dans mon Allemagne nazie», dit-il.

L'étudiant en sciences politiques appliquées croit que certaines personnes qui ont une opinion opposée à la sienne ne respectent pas la liberté d'expression. «Le mouvement étudiant se dit partisan de la démocratie, mais il a très peu de respect pour les opinions des gens», affirme-t-il.

À l'UQAM, un étudiant qui préfère taire son identité s'est fait bousculer, mercredi. «Je suis quand même grand et corpulent, mais un gars d'environ la même taille que moi m'a donné un coup d'épaule. Il avait un carré rouge. Les couloirs à l'UQAM sont larges. Il ne fallait vraiment pas vouloir me voir», affirme l'étudiant en économie. Malgré ce geste d'intimidation, il promet qu'il continuera de porter son carré vert, et ce, même à l'école.

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Le carré vert: un nouveau symbole

Les étudiants appuyant la grève étudiante ont longtemps été seuls à défendre leur opinion dans les médias. Mais voilà que deux groupes de jeunes s'affichant pour la hausse des droits de scolarité commencent à faire entendre leur voix. Après le carré rouge arboré par les étudiants qui exigent que l'éducation soit accessible, ces deux groupes popularisent le carré vert:

Le Mouvement des étudiants socialement responsables du Québec possède un site internet, pourlahausse.com. Il compte plus de 2000 membres sur sa page Facebook.

Le Regroupement des étudiants pour le respect de la liberté individuelle de choix tient quant à lui un blogue où il encourage les étudiants à se présenter à leurs cours malgré les débrayages. Les administrateurs du site demeurent toutefois anonymes.

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Une grève, une facture

Les grèves étudiantes ne sont pas gratuites. Déjà, les universités et les cégeps ont commencé à dépenser de l'argent pour assurer la sécurité dans leur établissement. Si le semestre est prolongé, les universités devront aussi employer des chargés de cours et des étudiants (auxiliaires d'enseignement ou correcteurs, par exemple) plus longtemps. Les enseignants permanents, qui sont payés à l'année, ne changent rien à la facture de la grève.

Un semestre plus long peut également signifier une perte de revenus pour certains établissements. «À partir du mois de mai, on accueille beaucoup de congrès, colloques ou conférences à l'université. Si le trimestre se prolonge, ça veut dire qu'on ne pourra plus louer les salles parce qu'il faudra continuer à donner les cours. On risque de perdre des revenus», affirme Jenny Desrochers, conseillère en relations de presse à l'UQAM.

Il est encore trop tôt pour chiffrer le coût de la grève qui s'amorce puisqu'on ignore le nombre de cours qui seront perturbés et pendant combien de temps, explique-t-elle. Dans le cas où les étudiants feraient du grabuge, cela provoquerait également des dépenses imprévues.