L'enseignant de Sorel-Tracy qui a censuré en classe la chanson «L'hymne à l'amour» d'Édith Piaf s'est fait rabrouer jeudi par les ministres de l'Éducation, Line Beauchamp, et de la Culture, Christine St-Pierre.

Malgré cela, comme il a reçu l'appui de sa commission scolaire, le professeur de musique  maintiendra sa décision de ne pas discuter en classe de la finale de la célèbre chanson - «Dieu réunit ceux qui s'aiment» - sous prétexte qu'il n'a pas le mandat d'aborder des thèmes religieux.

«Je suis vraiment en désaccord avec la décision prise» par cet enseignant, a dit la ministre Beauchamp en point de presse, en ajoutant qu'elle était intervenue auprès de la commission scolaire Sorel-Tracy pour la faire modifier. Elle a répété son indignation en Chambre.

Sauf que la commission scolaire Sorel-Tracy a tenu tête au gouvernement, en maintenant son appui à l'enseignant de l'école primaire Saint-Gabriel-Lalemant.

Dans un communiqué rendu public jeudi après-midi, le président de la commission, Denis Rajotte, et son directeur général, Alain Laberge, affirment que la direction ne «remettra pas en question la décision de son enseignant».

Ils justifient leur décision par l'absence de directives claires de la part du gouvernement, car «tout ce qui entoure les débats sur les accommodements raisonnables n'est pas pour l'instant balisé ou encadré».

Résultat: «plusieurs éducateurs marchent sur des oeufs lorsque confrontés à ces questions», déplorent-ils.

L'enseignant, dont les élèves sont âgés de 10 et 11 ans, avait choisi d'étudier «L'hymne à l'amour» pour illustrer le thème de l'amour, dans le cadre d'un spectacle de fin d'année en préparation.

Mme Beauchamp, tout en déplorant le manque de jugement de l'enseignant, a rappelé que le Québec n'avait jamais eu pour objectif d'effacer son histoire religieuse, ni son identité.

«Au Québec, on n'est pas en train d'effacer le mot Dieu, le mot Jésus, ou quelque autre référence à une entité, à un Dieu auquel on croit», a-t-elle répliqué en Chambre, lorsqu'interrogée par l'opposition.

De même, un enseignant n'a pas à pervertir une oeuvre faisant partie du répertoire de la chanson francophone, a-t-elle estimé.

«Une chanson, c'est une oeuvre d'art, et on ne touche pas à une oeuvre d'art», a renchéri Mme St-Pierre, qui n'en croyait pas ses oreilles.

«Ca n'a pas de bon sens, c'est de la censure! Voyons donc! Ca n'a pas de bon sens, point final», a ajouté la ministre, en point de presse.

L'histoire a eu des échos jusqu'en France, alors que le site web du magazine Nouvel Observateur reprenait la dépêche d'Associated Press (écrit à partir d'un texte de La Presse Canadienne) sur le sujet, sous la rubrique «Insolite».

L'incident a fourni des munitions à l'opposition péquiste, qui se bat pour que le Québec affiche la totale laïcité de l'État et des services publics.

La députée péquiste d'Hochelaga-Maisonneuve, Carole Poirier, a donné raison à la commission scolaire, jugeant elle aussi que les Québécois étaient laissés à eux-mêmes, faute de balises claires définies par le gouvernement en ce domaine.

«Cette décision du professeur est étonnante, mais aussi peu surprenante: l'absence de balises claires amène ce genre de situation. Dans ce cas-ci, c'est un manque de jugement, mais celui qui est à blâmer, c'est davantage le gouvernement libéral que le professeur», a tranché Mme Poirier, dans un communiqué.