Construite à un jet de pierre du pont Jacques-Cartier, dans l'un des secteurs les plus défavorisés de Montréal, l'école secondaire Pierre-Dupuy traîne une réputation de mal-aimée comme un boulet aux pieds.

Une réputation dont elle tente de se défaire. «Nous sommes en train de changer la vision que, malheureusement, les gens du quartier avaient et qui faisait en sorte qu'ils n'envoyaient pas leurs enfants à Pierre-Dupuy», croit Sylvie Normandeau, qui enseigne les mathématiques depuis 1999 dans cette école.

Pendant longtemps, le taux de décrochage a été l'un des pires de la province. D'année en année, dans les palmarès des écoles, Pierre-Dupuy se trouvait en queue de peloton.

Mais il y a du progrès. «Les taux de réussite des élèves ont connu une légère augmentation», relate la directrice Ginette Rioux, qui en est à sa cinquième année à la tête de l'école.

L'an dernier, c'est même un élève de Pierre-Dupuy qui a obtenu la meilleure moyenne générale de toute la Commission scolaire de Montréal (CSDM).

Baisse du décrochage

Même s'il demeure problématique, le taux de décrochage s'est grandement amélioré en l'espace de deux ans. Il est passé de 82% en 2007-2008 à 52% en 2009-2010.

Un bond spectaculaire qui peut s'expliquer en partie par un changement de méthodologie appliquée au ministère de l'Éducation au cours des dernières années, mais qui s'explique surtout par les efforts investis dans l'école.

Dans les classes, les pupitres vides sont d'ailleurs moins nombreux qu'avant. Le taux d'absentéisme a baissé. «C'est un travail de longue haleine, mais je trouve qu'on commence à voir les résultats», dit Mélanie Langlais, enseignante de géographie et d'histoire.

Depuis quatre ans, la Commission scolaire de Montréal verse à l'école un budget important dans le cadre de son plan de soutien. La direction a pu embaucher davantage de personnel, dont une psychologue qui est présente cinq jours par semaine.

Aujourd'hui en quatrième secondaire, Mégan Tourigny-Poisson a pu bénéficier de ces ressources additionnelles. Ses notes catastrophiques ont bondi, au point où elle passe maintenant ses cours haut la main. «J'avais de la difficulté parce que j'étais dyslexique. Personne ne comprenait ce que j'avais, mais quand Geneviève [l'orthopédagogue] a commencé à travailler avec moi, ça m'a beaucoup aidée», explique la jeune fille.

Activités parascolaires

En dehors des heures de classe, les activités parascolaires ont fleuri. Équipes sportives, chorale, improvisation, journal et radio étudiants, il y en a pour tous les goûts.

Le midi, personne ne traîne dans les couloirs. Les élèves se disputent plutôt des parties de baby-foot dans le local fenestré transformé en salle de jeux. D'autres jouent sur l'une des deux consoles Wii. En face, au café étudiant, on se réunit pour assister à des matchs d'improvisation.

L'école Pierre-Dupuy a aussi misé sur les nouvelles technologies pour susciter l'intérêt des élèves. Elle est devenue une «cyberécole» en 2008 grâce à un projet-pilote de la CSDM. La quasi-totalité des classes est dotée d'un tableau blanc interactif. Les élèves de première secondaire ont tous un portable.

En mathématiques, ils sont aussi réunis dans la même classe, avec deux enseignantes et une enseignante-ressource dans le cadre d'une nouvelle expérience de co-enseignement.

Au moment de notre passage, l'ambiance était un peu cacophonique, mais joyeuse. Réunis en équipes, les élèves travaillaient à la conception d'un jeu de société. Les idées fusaient, tous discutaient, réfléchissaient.

Quand les élèves sont enthousiastes à venir pour autre chose que l'académique, ça fait en sorte qu'ils restent davantage à leurs cours, il y a moins d'absentéisme, ils travaillent plus et réussissent mieux», note Mme Normandeau.

Vincent Mayer, en poste depuis cinq ans, renchérit. «On a pris le pari de dire que si l'éventail est au maximum, on ne pourra pas dire qu'on n'a pas tout mis en place pour garder nos jeunes à l'école. C'est une façon de contrer le décrochage, mais ce n'est pas la seule», explique l'enseignant en arts dramatiques, projets personnels d'orientation et informatique multimédia.

Les élèves semblent heureux et souhaitent changer l'image de leur école. «Ce n'est pas une école où il y a plus de durs qu'ailleurs. Les regroupements et les batailles ne sont vraiment pas fréquents», affirme Alexandre Viens, élève de cinquième secondaire.

C'est beaucoup plus accueillant que dans l'autre école où je suis allé. Il y avait une dizaine de jeunes qui nous attendaient à la sortie. Ici, on est une plus petite école, c'est plus cool, tout le monde se connaît», ajoute son ami, Tommy Dubé, lui aussi en cinquième secondaire.

Les meilleurs vont ailleurs

Mais tout n'est pas rose pour autant. Les résidants du quartier hésitent encore à envoyer leurs enfants à l'école du secteur. Les élèves qui ont les meilleures notes académiques sont inscrits dans d'autres écoles. Ceux qui restent arrivent souvent en première secondaire avec un retard scolaire accumulé. Les élèves sont plus nombreux à commencer leur secondaire qu'à le terminer.

Dans mon cours de mathématiques, on est 16 au total: 8 dans le groupe enrichi, 8 dans le régulier. Où sont passés les autres?», demande Alexandre Viens.

Mais lentement, la donne change. «On est quand même chanceux. On est dans une école où les gens observent beaucoup ce qui se passe. En cas d'échec, les élèves vont être repérés et les enseignants vont essayer de savoir ce qui se passe», souligne toutefois Jessica Paquin, élève de cinquième secondaire.