Dans un ultime avertissement au gouvernement Charest, des milliers de cégépiens et d'étudiants en colère sont descendus dans les rues de Montréal, jeudi, pour manifester contre la hausse des droits de scolarité.

> Consultez notre galerie photo sur la manifestation

Ils étaient près de 30 000 manifestants selon les organisateurs - 12 000, selon la police - à braver la pluie, espérant faire plier les libéraux pour qu'ils reviennent sur leur décision d'augmenter les droits de scolarité de 1625$ en cinq ans.

Cette manifestation d'envergure se voulait un dernier avertissement avant l'étape ultime, la grève générale, ont-ils prévenu.

«Après les indignés d'Europe, l'occupation de Wall Street et le Printemps arabe, osons croire que le mouvement étudiant sera l'étincelle du printemps québécois», a lancé Arnaud Theurillat-Cloutier, étudiant de l'Université de Montréal.

Prenant la parole au nom de l'Association pour une solidarité sociale étudiante (ASSÉ), c'est ainsi qu'il a harangué la foule au terme de la manifestation.

La marche a débuté vers 14h30, au parc Émilie-Gamelin, près de l'Université du Québec à Montréal. C'est là que des autocars en provenance de toutes les régions du Québec ont déversé des flots de manifestants gonflés à bloc.

Les cégépiens et étudiants, soutenus par des groupes sociaux et des travailleurs syndiqués, ont ensuite marché jusqu'au bureau du premier ministre Jean Charest, à l'angle de la rue Sherbrooke et de l'avenue McGill College.

Une dizaine de députés du Parti québécois, dont Nicolas Girard, ainsi que le député de Québec solidaire, Amir Khadir, étaient aussi du nombre.

L'événement s'est déroulé dans le calme, encadré étroitement par les policiers. Sur le trottoir, des badauds ont témoigné de leur appui aux revendications étudiantes. Les esprits se sont quelque peu échauffés en fin de parcours, donnant lieu à du vandalisme. Des manifestants ont fait exploser des pétards et ont lancé de la peinture sur l'édifice abritant le bureau du premier ministre.

Une trentaine de personnes ont aussi occupé un local de l'Université McGill, avant d'être expulsées par les policiers.

Au total, quatre manifestants ont été arrêtés.

Attentes dépassées

La mobilisation étudiante a dépassé les attentes des organisateurs. Des associations en médecine, en gestion et en pharmacie, de même que certains établissements privés comme le collège André-Grasset et des institutions anglophones comme le collège Dawson, l'Université Concordia et l'Université McGill se sont jointes au mouvement. «C'est une mobilisation qui dépasse les frontières habituelles de la contestation étudiante», a affirmé Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de l'ASSÉ.

La prochaine étape est la grève générale, a-t-il ajouté en brandissant le souvenir du printemps 2005, lorsqu'une grève étudiante avait duré plusieurs semaines. Les cégépiens et les étudiants contestaient des coupes de 103 millions dans le programme de bourses.

Avec la mobilisation d'hier, il est clair que les cégépiens et les étudiants sont prêts à tout, a renchéri la présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), Martine Desjardins.

«C'est un signe que pour des étudiants qu'on dit individualistes, ils sont de plus en plus unis et ils sont unis contre une seule et même chose: la hausse des droits de scolarité. C'est du jamais vu. On peut en être fiers», a déclaré Mme Desjardins.

«On est déjà endettés»

La majorité des étudiants ne reçoivent pas de bourses. Ils s'endettent de milliers de dollars pour étudier, a souligné le président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), Léo Bureau-Blouin, en rappelant que 80% des étudiants n'ont pas droit aux bourses. «On ne peut pas se permettre de perdre un seul diplômé. Augmenter les droits de scolarité, c'est demander l'impossible à bien des familles qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts», croit M. Bureau-Blouin.

Sébastien Beaumier-Charland, du collège Champlain, à Saint-Lambert, est de cet avis. Il a quitté Granby pour étudier et doit maintenant payer ses études, un logement et toutes ses dépenses.

Même en travaillant 20 heures par semaine, il peine à arriver, a-t-il raconté à La Presse tout en marchant dans les rues de Montréal. «On est déjà endettés. Ça coûte déjà assez cher comme cela», dit-il.

Plus de 200 000 cégépiens et étudiants avaient décrété une grève ou une levée de cours hier. La manifestation à Montréal, de même que les nombreux piquets de grève devant plusieurs établissements collégiaux et universitaires de la province, n'a toutefois pas ébranlé la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp.

Interpellée par l'opposition au cours de la période de questions, elle a affirmé que les étudiants doivent faire «leur juste part».

_________________________________________

Droits de scolarité au Canada en 2010-2011:

-Québec: 2415$

-Canada: 5138$

-Colombie-Britannique: 4802$

-Nouvelle-Écosse: 5495$

-Ontario: 6307$

(Source: Statistique Canada, premier cycle universitaire)

Évolution des droits de scolarité au Québec

- De 1970 à 1989: Les droits de scolarité sont stables, environ 550$ par année.

- Début des années 90: Première hausse pour atteindre environ 1200$ par année.

- 2007: Hausse de 500$ en cinq ans.

- 2012: Hausse de 325$ par année pendant cinq ans, totalisant 1625$.

- 2016: Les droits de scolarité vont atteindre 3700$ par année.

* Ces données ne tiennent pas compte des frais afférents imposés par les universités.