Pauline Marois s'est carrément mis les pieds dans le plat avec son opération ratée pour faire avancer le projet d'amphithéâtre à Québec.

Le nombre de Québécois qui veulent qu'elle passe la main est en hausse. Les souverainistes même craignent pour la survie de leur parti.

Surtout, le retour de la pagaille au PQ a fait fuir les électeurs. Dans les intentions de vote, le Parti libéral rattrape désormais le PQ. Advenant une élection, le Parti québécois l'emporterait probablement, mais le Québec reviendrait à l'heure du gouvernement minoritaire.

Ces constats sont ceux de la maison CROP dans un sondage réalisé pour La Presse, après deux jours de division au Parti québécois autour du projet de loi destiné à protéger des poursuites l'entente entre la Ville de Québec et Quebecor. CROP a sondé 860 internautes, essentiellement lundi (quelques questionnaires se sont ajoutés hier).

Selon cette enquête réalisée le jour même de la démission de trois ténors péquistes, le parti de Pauline Marois a subitement perdu 8 points dans les intentions de vote et passe de 34 à 26% des suffrages depuis le mois de mai (après répartition proportionnelle).

«Le PQ à moins de 30%, on ne voit jamais ça, dit Youri Rivest, vice-président de CROP. C'est vrai que c'est fait à chaud mais, si cela se confirme, on parle d'un réalignement des forces.».

Le PLQ gagne quant à lui 4 points et passe de 23 à 27%. L'Action démocratique, absente du débat cette semaine, piétine à 15%. En revanche, le champion des adversaires de l'amphithéâtre, Amir Khadir, fait grimper les actions de Québec solidaire, qui récolterait 17% des suffrages dans un scrutin, par rapport à 12% en mai.

Seule consolation pour Mme Marois: avec son appui à l'amphithéâtre, le PQ a repris du poil de la bête à Québec, région traditionnellement dominée par l'ADQ. Le PQ est désormais premier, avec 36% des intentions de vote.

Une réalité apparaît, incontournable désormais: les Québécois souhaitent que le PQ mette de côté son option souverainiste pour plutôt offrir un «bon gouvernement» aux contribuables. Ce verdict domine clairement dans la population en général (82%), mais aussi chez les électeurs péquistes (71%) et chez les souverainistes (68%).

Près des deux tiers des Québécois (62%) estiment que Mme Marois devrait quitter son poste «à la lumière des événements d'aujourd'hui» (la démission des députés Beaudoin, Curzi et Lapointe, lundi), mais 38% croient au contraire qu'elle devrait rester. Chez les électeurs souverainistes, 56% souhaitent qu'elle jette l'éponge, un point de vue que partagent seulement le tiers (35%) des électeurs péquistes.

«Mme Marois ne parvient plus à fédérer tout le mouvement souverainiste, c'est le plus inquiétant. Trouver des libéraux qui veulent son départ dans l'ensemble de la population, c'est prévisible; chez les souverainistes, c'est particulier», observe Youri Rivest.

Avantage Duceppe

En novembre dernier, 59% des gens estimaient que Mme Marois devait passer la main. Si ce scénario se concrétisait, 66% des électeurs péquistes et 49% des souverainistes verraient aujourd'hui Gilles Duceppe prendre sa relève. M. Duceppe est premier dans tous les groupes, et de loin. Là où il soulève le moins d'enthousiasme, c'est chez les électeurs en général, où tout de même 36% des gens voient en lui «le nouveau chef du Parti québécois». «Dans la coalition souverainiste, c'est encore M. Duceppe, le champion, en dépit du score du 2 mai», résume Youri Rivest.

À 24% dans la population, François Legault est loin derrière, une surprise pour M. Rivest, qui observe que le nom de M. Legault a besoin «d'un véhicule de renouveau, un nouveau parti» pour atteindre la première place.

Pierre Curzi, qui vient de claquer la porte du PQ, est vu comme un chef péquiste plausible par 15% des gens (11% des péquistes), et Bernard Drainville ferme la marche avec 7% dans la population et un famélique résultat de 2% chez les électeurs péquistes.

Il y a un net appétit pour un nouveau parti politique: 55% des gens se disent favorables à l'apparition d'un nouveau parti, une opinion que partagent 42% des électeurs péquistes et 51% des souverainistes.

Aux yeux de près de la moitié des Québécois (48%) et de presque autant de souverainistes (43%), la crise de cette semaine «met en péril la survie du PQ». Chez les péquistes, à l'inverse, on croit être immunisé: deux électeurs péquistes sur trois pensent que la survie du PQ n'est pas en jeu.

Selon M. Rivest, la préférence des Québécois pour un «bon gouvernement» quelle que soit leur option sur la question nationale est la donnée que Pauline Marois devrait conserver à l'esprit. «L'appui à la souveraineté n'a pas baissé, mais la mobilisation n'est pas là. Quand les péquistes parlent de souveraineté, ils se parlent entre eux, ça ne résonne pas dans la population. C'est le résultat le plus intéressant. Ça démontre que la souveraineté est sur un autre axe, désormais.»