J'adore conduire sous la pluie. L'amoureuse à mes côtés, ses pieds nus sur le dash, map sur les genoux, je divague au cours du décor qui défile comme doux cinéma de la vie. De temps en temps, je scanne la radio la défiant de nous surprendre.

Comme partout, la plupart des chaînes sont perchées dans le passé. On est sortis de Lowell sur «Riders on the storm».

En route vers Cape Cod

À la hauteur de Boston, sur l'autoroute 3, nous entrons dans un bouchon; la co-pilote sort des munchies et des jus de la glacière. Baba cool, on grignote en chantant «Walk on the wild side» avec Velvet Underground.

En vacances, même le trafic devient facile à vivre.

Une fois tirés de la congestion, on saute sur le chemin 3A, plus sinueux, moins endormant. La radio crache «Taking care of business»; nous contemplons les piaules de riches qui bordent la route brumeuse.

Ici, dans ces environs de la Nouvelle-Angleterre, on a l'impression que tout est abondance. La forêt est grasse et touffue, les marais et les lacs sont débordants, les baraques cossues et luxueuses; l'abondance.

Nous roulerons ainsi admiratifs jusqu'à la nuit, stationnant notre machine à voyager sur le bord de l'océan, au haut d'une falaise, dans un coin reculé de Plymouth, Massachusetts.

La pluie et le vent ont cessé, le ciel de lune et d'étoiles surplombe la mer qui se berce, on fait des bébés.

Photo: Marie-Pier Veilleux

The West is the best

Provincetown

Nous reprenons la route 3A au lendemain matin ensoleillé après une baignade dans la Cape Cod Bay.

À peine 700 kilomètres depuis Montréal et nous touchons Provincetown, notre destination finale.

Petit havre de 3500 habitants situé sur la pointe de Cape Cod; lieu parfait pour se détendre, camper et profiter du plein air.

Fondé et peuplé par des pêcheurs au 17e siècle, le village a, au fil du temps, attiré son lot de voyageurs dont plusieurs peintres et auteurs.

Quelques décennies plus tard, Provincetown s'était construit une réputation de cité artistique d'avant-garde reconnue pour son ouverture sur le monde.

Puis, dans les années 60-70, P-Town devient un lieu très couru par la communauté gaie nord-américaine, demeurant très ouverte au reste de la population.

C'est tout à fait normal de croiser au même endroit: travestis, gens du troisième âge, transsexuels en chaises roulantes, jeunes hétéros branchés, petites familles bourgeoises, couples homosexuels (hommes, femmes, blancs, jaunes, rouges ou noirs), nains trisomiques, name it, sans que personne ne soit troublé.

Un catalogue de Témoins sauf les pandas et les noix de coco.

La majorité des restaurants, bars, boutiques, marchés, galeries d'art et autres salles de freak shows se retrouvent sur Commercial Street; de quoi dépenser une fortune... Avis aux compulsifs.

Photo: Marie-Pier Veilleux

Auberge downtown Provincetown

Camping, promenade, bières froides et baleines

On a planté la Westfalia dans un camping à l'écart du downtown et loué des bécanes pour partir en randonnée à travers les dizaines de kilomètres de pistes cyclables qui sillonnent la pointe.

Par moments, l'endroit fait penser aux Îles-de-la-Madeleine avec ses lagunes, ses dunes en ribambelles et ses longues plages sablonneuses.

Malgré le soleil et la chaleur intenses de cette fin août, la mer est pratiquement impraticable. On y plonge et l'on en ressort aussitôt, le grain méga menu.

Pour se rafraîchir, à part des bières froides en terrasse, on a avantage à s'embarquer sur un bateau qui offre des croisières pour admirer les nombreuses baleines.

Perso, j'ai apprécié ma rencontre avec des dizaines de mammifères marins... Mais j'ai préféré les bières et les dames en bikinis.

Bref, tout ça pour dire que Cape Cod vaut le déplacement. On se sent dépaysé sans être trop loin.

Chemin du retour

Après quatre jours pleins et bienheureux, nous revenons revigorés et bronzés (rosé, dans mon cas).

Avec l'été de fou qu'on s'était tapé, ces vacances nous auront permis de faire le plein d'énergie pour affronter l'automne d'autant plus déjanté. (Déjà décembre et il me semble qu'août était hier. Gros jus, tu dis?!)

Au crépuscule, nous rentrons au Québec sur l'air ranci de «Sweet home Alabama». On ferme la radio.

Béats, savourant nos derniers instants de vacances, dans ce silence apaisant que les gens qui s'aiment appellent la complicité.

Photo: Yann Perreau

P-Town: fierté des Républicains!