Isabelle Poirier avait pourtant tout préparé avec soin. Partie pour un périple de 14 mois en Eurasie avec son fils, elle voulait voyager le plus légèrement possible. Pour cette raison, au lieu de partir avec une quantité astronomique de médicaments pour l’ensemble du voyage, elle avait planifié l’envoi d’un colis en cours de route, en Turquie.

Mais voilà, le colis a été retenu à la douane pendant plusieurs semaines, ce qui a entraîné des coûts additionnels, une sérieuse perte de temps et un stress supplémentaire pour une mère soucieuse de la santé de son fils.

La gestion des médicaments en voyage peut s’avérer compliquée pour les voyages de longue durée, mais même pour de courtes vacances, il faut y prêter une attention particulière.

« Quand on part en voyage, on pense à la valise, à la casquette, au billet d’avion, mais il faut aussi penser à la pharmacie », rappelle la Dre Geneviève Ostiguy, médecin à la Clinique Santé-voyage de la Fondation du CHUM.

Il y a quelques règles de base à suivre. Par exemple, toujours garder les médicaments dans son bagage à main.

« Ça permet d’éviter le risque de perte des bagages enregistrés, mais aussi le risque de détérioration », indique la Dre Ostiguy.

Elle rappelle aussi que certains médicaments doivent être conservés à l’intérieur d’une fourchette précise de températures. En laissant les médicaments dans les bagages enregistrés, « on ne contrôle plus leur environnement ».

Il faut également garder les médicaments dans le contenant d’origine, avec une étiquette identifiée au nom de la personne. Cela permet de faciliter le passage à la douane. 

PHOTO FOURNIE PAR ISABELLE POIRIER

Isabelle Poirier et son fils Jérémy

On recommande d’ailleurs aux gens qui souffrent d’une condition médicale donnée d’apporter avec eux un document, dans la langue du pays visité, avec une description de cette condition et la liste des médicaments concernés.

La Dre Geneviève Ostiguy, médecin à la Clinique Santé-voyage

Il serait notamment important d’avoir un billet du médecin si le voyageur doit apporter des fournitures qui risquent de faire tiquer le douanier, comme des seringues. « Cette lettre devrait préciser que ces seringues sont destinées à un usage personnel, précise la Dre Ostiguy. On pense aux patients diabétiques ou aux patients qui doivent prendre des médicaments par voie sous-cutanée. »

En faisant leur petite pharmacie de voyage, les voyageurs peuvent inclure des médicaments qui sont en vente libre, comme des médicaments pour soulager la diarrhée, des sachets de réhydratation, des antibiotiques topiques ou des antinauséeux. La Dre Ostiguy recommande quand même d’obtenir des ordonnances lorsque c’est possible, notamment dans le cas des antidiarrhéiques.

Ordonnances

Évidemment, un voyageur peut toujours se faire voler son bagage à main et se retrouver sans médicaments. Il peut être possible de se procurer des médicaments dans le pays visité, mais il sera souvent nécessaire de visiter un médecin pour obtenir une nouvelle ordonnance.

Dans certains pays, un médicament qu’on peut obtenir en vente libre au Québec devrait faire l’objet d’une ordonnance. Ou le contraire : le médicament prescrit au Québec pourra facilement se trouver en vente libre.

Pour avoir accès à des ressources médicales compétentes, il existe un organisme qui s’appelle l’IAMAT, l’International Association of Medical Assistance to Travellers. On peut s’inscrire en ligne et, selon le pays, obtenir les adresses de cliniques médicales agréées.

Dre Geneviève Ostiguy

Lorsqu’une personne part pour une très longue période, il faut encore davantage de planification.

« Je recommande de partir avec la dose suffisante de médicaments, qu’il s’agisse d’antipaludiques, d’antibiotiques, d’antidiarrhéiques ou autres, affirme la Dre Ostiguy. L’accès à des médicaments peut être variable d’un pays à l’autre. En outre, dans beaucoup de pays en voie de développement, il y a des enjeux de contrefaçon de médicaments. On peut se retrouver avec un produit inactif ou carrément nocif. »

Elle ajoute que lorsqu’on se procure un médicament dans son pays d’origine, on en comprend davantage l’usage grâce aux conseils qui viennent avec l’ordonnance.

Colis

Elle ne recommande pas l’envoi de médicaments par la poste ou par messagerie. Il y a risque de perte et de détérioration.

C’est toutefois la voie qu’avait choisie Isabelle Poirier : elle ne voyait tout simplement pas où elle pourrait caser 14 mois de médicaments (destinés à son fils) dans son petit sac à dos de 40 litres.

Elle avait commencé les démarches six mois avant son départ pour se familiariser avec les lois frontalières des pays qu’elle entendait visiter et choisir une entreprise de messagerie reconnue. Mais voilà, de mauvaises informations sur les procédures, qu’elle attribue à l’entreprise de messagerie, ont fait en sorte de bloquer le colis à la douane pendant des semaines.

Isabelle Poirier a dû faire preuve de persistance pour enfin récupérer les précieux médicaments.

Elle prévoit toujours se faire envoyer un autre colis de médicaments au Népal en janvier, mais elle pourrait bien changer d’entreprise de messagerie.

PHOTO FOURNIE PAR ISABELLE POIRIER

Isabelle Poirier

« C’est à suivre », fait-elle savoir dans un courriel à La Presse.

La Dre Ostiguy affirme qu’il y a d’autres solutions possibles pour les « voyageurs au long cours ».

« Souvent, les voyageurs qui partent pour une longue période reviennent voir leurs familles pour les Fêtes, ou pour une occasion particulière. C’est l’occasion de s’approvisionner et de refaire les stocks de médicaments. »

Le médecin fait une mise en garde au sujet de médicaments très particuliers, comme la méthadone, qui facilite le sevrage.

« C’est interdit dans certains pays, comme le Ghana, le Nigeria et la Russie. Ça vaut la peine de s’informer sur les lois du pays visité même si chez nous, ces médicaments-là sont autorisés. »