De la 30 ou de la 60? Ce n'est plus la (seule) question à se poser avant de choisir une crème solaire. Il faudrait aussi se demander si elle détruira les coraux qu'on veut justement explorer. Et si elle est bannie à la plage.

Bannie? 

Oui. Les régions de Key West, Hawaii et Palau ont toutes trois décidé d'interdire les crèmes solaires - en 2020 et 2021 - à la plage afin de préserver les récifs de corail. Des études menées en laboratoire ont démontré que certains ingrédients présents dans la crème solaire provoquent le blanchissement du corail et donc, à court ou moyen terme, sa mort.

Toutes les crèmes?

Non. Les autorités ont décidé de bannir les crèmes contenant de l'oxybenzone et de l'octinoxate, deux composés utilisés pour filtrer les rayons ultraviolets dont la toxicité pour les coraux a été établie en laboratoire. Certaines marques dont les produits n'en contiennent pas ont ainsi commencé à promouvoir leurs produits en affirmant qu'ils étaient «amis des coraux» (reef-friendly). Leur innocuité n'a toutefois pas été démontrée, remarque la direction des Parcs nationaux des États-Unis (responsables de la gestion de certaines plages d'Hawaii et de la Floride où des interdictions entreront en vigueur en 2021).

Comment se protéger, alors?

Étant donné les risques de cancer de la peau liés à l'exposition au soleil, sortir sans aucune protection est évidemment à proscrire. On peut opter pour des vêtements offrant une protection contre les rayons UV. Ou alors pour des crèmes avec de l'oxyde de titane ou de l'oxyde de zinc, dont la toxicité n'a pas été démontrée en laboratoire, conseille la direction des Parcs nationaux des États-Unis. Ces crèmes offrent une protection un peu moins élevée contre les UVA, responsables du vieillissement de la peau, mais équivalente pour les UVB, responsables du cancer, explique Alfred Bilbul, dermatologue et professeur à la faculté de médecine de l'Université McGill. «L'idéal, c'est de ne pas s'exposer aux rayons du soleil entre 11 h et 15 h», rappelle-t-il toutefois. Et d'appliquer une crème avec un indice de protection pour les UVB d'au moins 30, généreusement et régulièrement. L'inscription «large spectre» assure que les UVA sont aussi filtrés.

Vise-t-on la bonne cible?

Plus ou moins, répond Isabelle Côté, professeure d'écologie marine à l'Université Simon Fraser, en Colombie-Britannique. Elle estime que les crèmes solaires ne représentent qu'une petite goutte d'eau dans l'océan des problèmes des coraux: les composés au banc des accusés entrent aussi dans la fabrication de plusieurs autres plastiques et produits d'entretien. «Les sources de pollution chimique qui se déversent dans l'océan sont multiples», dit-elle. On peut penser que plus il y a de touristes sur une plage, plus la pression sur l'environnement est élevée, plus il y a d'hôtels utilisant des produits ménagers en grande quantité, etc. De plus, les concentrations d'oxybenzone les plus élevées n'ont pas été nécessairement observées là où les touristes étaient les plus nombreux. Et les concentrations testées en laboratoire dépassent de loin celles observées dans la nature, ajoute Mme Côté.

Alors, comment peut-on réellement sauver les coraux?

Ironiquement: en n'allant pas les voir, remarque Isabelle Côté. «Si les gens veulent vraiment aider les coraux, ils doivent éviter de prendre l'avion, tranche-t-elle. Les émissions de carbone liées au transport aérien contribuent au réchauffement climatique et à l'augmentation de la température des océans, principale cause de blanchissement des coraux.»

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Des études menées en laboratoire ont démontré que certains ingrédients présents dans la crème solaire provoquent le blanchissement du corail et donc, à court ou moyen terme, sa mort.