Quand vient le temps de magasiner un hôtel, au Québec ou ailleurs, il est devenu d'usage de se tourner vers les agences en ligne comme Booking, Expedia, Hotels, Trivago ou Priceline. Mais peut-on réellement s'y fier? La Presse a mené son enquête.

Pas toujours simple de s'y retrouver quand on veut réserver une chambre d'hôtel sur l'internet. Beaucoup de chiffres, d'incitations à agir rapidement et des algorithmes qui ne disent pas toujours la vérité. Pour en retirer le meilleur et éviter le pire, voici un guide des principaux écueils.

À Saint-Ours comme à Paris

Mais que se passe-t-il à Saint-Ours le lundi 11 septembre 2017? Selon Booking et Expedia, tout le monde veut y réserver une chambre! C'est du moins ce qu'évoquent les messages qui s'affichent sur notre écran lorsque nous magasinons les hôtels: «Très populaire! Seulement 1 disponible», dit Expedia, «À saisir! Forte demande: il ne reste plus que 1 hébergement!», peut-on lire sur Booking. Vérification faite auprès de la Ville de Saint-Ours, il n'y a rien de prévu. On s'en doutait. L'algorithme ne fait aucune différence entre les villes glamour et les destinations plus discrètes. «Mettre de la pression, c'est une stratégie connue, rappelle Me Elise Thériault, d'Option consommateurs. Les commerçants l'utilisent quand vous allez dans les boutiques. On suggère de ne pas prendre de décisions rapides et de réfléchir avant d'acheter.»

Pouce levé, un gage de qualité? 

Sur Booking, une petite main au pouce pointé vers le haut est parfois affichée à côté du nom de l'hôtel et de ses étoiles. Vous pensez que c'est l'indication que cet hôtel est meilleur que les autres? Qu'il offre un meilleur rapport qualité-prix? Un meilleur service? Qu'il a eu une meilleure note auprès des clients? Pas nécessairement. Plusieurs hôteliers nous ont confirmé qu'ils payaient 3 % de commission supplémentaire à Booking pour avoir droit au pouce levé. Acheter le «pouce levé» permet aussi d'être mieux référencé. Les hôteliers payent de 15 à 30 % du prix des chambres d'hôtel pour être sur Booking et Expedia.

Des offres exclusivement plus chères... pour vous

Vous venez d'acheter des billets d'avion avec Expedia et l'agence vous récompense en vous offrant des prix exclusifs, juste pour vous, le bon client membre. Logique, non? C'est d'ailleurs écrit clairement et surligné en vert: «Offre exclusive - Parce que vous avez réservé un composant de voyage (vol)». Et pourtant, une vérification rapide nous a permis de constater qu'Expedia avait offert, en fait, des prix plus élevés. Nous l'avons testé en ouvrant une deuxième fenêtre de navigation et en faisant une recherche d'hôtels sur Expedia en tant que non-membre. Comme en témoigne la capture d'écran, l'hôtel Villa Bello annoncé comme «Offre exclusive - Parce que vous avez réservé un composant de voyage (vol)» était à 243 $ pour le membre, à droite, comparativement à 223 $ pour le non-membre, à gauche. Joint au téléphone, l'équipe des communications canadiennes d'Expedia a avoué que cette situation était incorrecte. «Nous pensons que c'est un "problème informatique"», nous a-t-on expliqué.

De vrais rabais pour les membres

Bonne nouvelle! En vous inscrivant comme membre de l'agence Hotels.com, vous recevrez régulièrement des infolettres par courriel. Nos recherches ont démontré que lorsqu'on annonce «Félicitations! Vous avez été sélectionné pour accéder aux Prix secrets», les prix sont vraiment moins élevés que sur les autres sites. Moins élevés aussi que si vous n'êtes pas membre. Par exemple, l'Hôtel du Capitole, à Québec, le 16 septembre 2017, nous est offert en «Prix secret» à 215 $, alors que comme client occasionnel, la facture s'élève à 269 $. Au même moment, Booking et Expedia proposent pour les mêmes dates 239 $. Une astuce? Magasinez sur Hotels.com, attendez quelques jours et l'agence vous enverra ses fameux prix secrets pour la ville ou le pays que vous cherchez.

Désolé, plus de place pour vos dates... Vraiment?

Certaines phrases peuvent laisser croire qu'il n'y a plus de place à l'hôtel que vous avez choisi, alors que c'est faux. Un porte-parole d'Expedia, Adam Francis, nous l'a confirmé: «Ça veut dire qu'il n'y a plus de place sur notre site, mais il peut y en avoir ailleurs, sur Booking ou même sur le site de l'hôtel.» En France, Expedia a été condamné pour cette pratique. Me Elise Thériault, d'Option consommateurs, souligne que dans certains cas, c'est une information trompeuse. «Si c'est parce que son quota est atteint sur son site et non parce qu'il n'y a pas de place à l'hôtel, il faut que ce soit écrit comme ça.» En téléphonant directement à l'hôtel, vous aurez l'heure juste.

Le prix le plus bas n'est pas toujours où vous le croyez

Les contrats signés entre les hôteliers et les deux géants, Booking et Expedia, interdisent aux hôtels d'afficher sur leur propre site un prix plus bas que sur les plateformes. Une pratique maintenant interdite dans tous les pays d'Europe à la suite de pressions exercées par la France, l'Allemagne et l'Italie. Au Québec, les hôteliers sont encore obligés d'offrir les mêmes prix. Mais ça vaut la peine de téléphoner directement à l'hôtel, car parfois, le prix peut être révisé. «On conseille aux Québécois qui voyagent ici d'utiliser les agences en ligne pour faire un repérage, explique Xavier Gret, directeur général de l'Association Hôtellerie Québec. Ensuite, vous réservez directement avec l'hôtel. Si jamais le prix n'est pas plus bas, l'hôtelier pourra vous offrir un déjeuner gratuit ou un surclassement de chambre. On souhaite que l'argent reste au Québec.»

Le numéro de téléphone trompeur

Sur Expedia et Hotels.com, à côté du nom de l'hôtel, on vous donne une adresse et un numéro de téléphone. S'il s'agit bien de l'adresse de l'établissement, le numéro de téléphone est plutôt celui d'Expedia ou d'Hotels.com. Les agences en ligne souhaitent que vous communiquiez directement avec elles plutôt qu'avec les hôtels. Quand vous composez le numéro indiqué, on vous accueille avec un «Thank you for calling! Pour un service en français, faites le...» sans préciser où vous appelez. Des vacanciers qui ont voulu résoudre des problèmes de réservations avec Hotels.com se sont rendu compte qu'ils téléphonaient en Afrique. Sur Booking et Priceline, on indique seulement l'adresse des hôtels.

Peut-on se fier à Trivago?

Trivago est conçu pour trouver à votre place les meilleurs prix d'hôtels. Nos tests nous ont permis de constater que les algorithmes sont parfois confus. Les prix de Trivago ne concordent pas toujours avec ceux des sites vers lesquels il nous redirige. Trivago nous annonce qu'Expedia propose l'Hôtel du Capitole, à Québec, à 239 $. Quand on cherche à partir du site Expedia, le prix est plutôt annoncé à 232 $. Lors d'une autre recherche, l'Hôtel et Suite Le Dauphin, toujours à Québec, était annoncé à 129 $, tandis qu'en passant directement par Expedia, le prix proposé était de 150 $. La bonne nouvelle, c'est qu'une fois qu'on a cliqué sur l'hôtel en question, le prix le plus bas est offert, même s'il n'était pas annoncé au départ.

Ne perdez pas vos réflexes de bon consommateur

Pendant que vous magasinez, les slogans enjôleurs tentent de vous inciter à acheter, et vite. Nos recherches ont confirmé qu'«offre de rêve» ne veut rien dire du tout. Souvent, le tarif est identique ou même plus élevé qu'ailleurs. Même constat pour «Jackpot! Il s'agit du tarif le plus bas que vous ayez vu jusqu'à présent pour vos dates!» Toutes ces phrases nous induisent en erreur et nos réflexes sont moins aiguisés quand il s'agit du web. «Au Québec, on est habitué à avoir des publicités dans lesquelles tout est relativement vrai. En général, la Loi sur la protection du consommateur et la Loi sur la concurrence sont assez bien respectées, soutient Me Elise Thériault, d'Option consommateurs. Ce qui fait qu'on est toujours surpris quand quelque chose est vraiment faux. On n'a pas tendance à douter.»

Pour ou contre les agences en ligne?Que pensent les hôteliers de la forte présence des agences en ligne dans le marché de l'hébergement ? Les avis sont partagés, comme nous le montre l'expérience de deux propriétaires québécois. Booking et Expedia sont littéralement venus frapper à leur porte un matin. Ils avaient repéré le site internet maison de l'un et des commentaires sur TripAdvisor au sujet de l'autre. En échange d'une commission de 15 à 20 %, payable chaque mois par transfert bancaire dès réception de la facture, on leur a proposé de faire partie de leurs agences. Dans le cas de Booking, le représentant venait d'Amsterdam et parlait français. Les deux aubergistes ont signé l'entente. Voici leurs avis.

POUR

Atelier Galerie Anne Drouin & Pension-Gîte, Sainte-Julie

Anne Drouin, propriétaire

En ligne sur les agences depuis quatre ans1) «Booking m'a mise sur la carte! Quant à moi, ce sont les meilleurs!»

2) «Je suis très heureuse de payer la commission. Je n'aurais pas eu cette entreprise-là sans eux. 

3) «Je n'ai pas besoin de passer du temps à entretenir un site internet. Je suis peintre et professeure de peinture, j'ai autre chose à faire que de m'occuper de ça.»

4) «Comme je suis à Sainte-Julie et que c'est une zone non touristique, les agences en ligne m'ont permis de passer de 10 à 90 % de taux d'occupation. C'est excellent pour un petit gîte situé dans un rang qui ne débouche pas! Avec une seule salle de bains.»

5) «Avec Booking, les gens peuvent me voir à la grandeur du monde. Ils ont vu mon jardin, ils ont vu mes installations et ils ont vu que c'était seulement à 20 minutes de Montréal finalement.»

6) «Dès que quelqu'un écrit un commentaire dans sa langue, les gens de son pays ont accès à ces commentaires-là et ça fait boule de neige.»

7) «La personne qui a loué une chambre chez nous, sur Booking ou Expedia, quand elle revient, elle n'est pas obligée de passer par les agences en ligne. C'est elle le patron. Mais il y a des gens qui ne réservent que sur Booking ou Expedia. Pourtant, ils sont déjà venus... Ils aiment ça comme cela.»

Photo Martin Chamberland, La Presse

Anne Drouin

CONTRE

Auberge sous les arbres, Gaspé

Claudine Roy, propriétaire

En ligne sur les agences depuis deux ans.1) «Quand je serai assez connue, je ne serai plus sur les agences en ligne.»

2) «L'an dernier, je leur ai donné 25 000 $. C'est de l'argent qui part du Québec.»

3) «J'aime mieux payer pour le marketing à des gens d'ici que de donner de l'argent à de grandes compagnies qui s'enrichissent sur le dos des petits.»

4) «L'été, c'est la haute saison ici. Je réduis donc mes disponibilités sur les sites des agences en ligne et je vais avoir un taux d'occupation cette année de 75 %. Ce qui est excellent, parce qu'à Gaspé, c'est plutôt 52 %.»

5) «Tout le monde disait: "Comment ça, vous n'êtes pas sur Booking? C'est un incontournable au niveau de la réservation en ligne!" J'ai donc fait comme les autres aubergistes.»

6) «On n'a pas le numéro de téléphone des clients, ni leurs courriels ni leurs cartes de crédit. Quand il y a des erreurs de date dans la réservation, et ça arrive souvent, je ne peux pas aider mon client.»

7) «Il faudrait faire une bonne campagne de publicité nationale pour dire aux Québécois d'appeler directement dans les hôtels d'ici pour réserver. C'est le même prix pour eux. En retour, je peux leur offrir une bouteille de vin ou une chambre plus luxueuse. Rien n'empêche de faire du repérage sur les sites avant de nous appeler.»

Photo tirée de Facebook

Claudine Roy

Améliorer l'expérience clientLes critiques négatives des clients sur l'internet font mal aux hôteliers. Alors que, parfois, l'insatisfaction aurait pu être réglée sur place pendant le séjour, il arrive que le client se venge sur le web. Expedia veut contrer ce phénomène et améliorer l'expérience client.

L'agence en ligne fournit maintenant deux nouveaux outils de communication en temps réel à ses hôteliers membres.

Le premier outil, celui de conversation, permet à l'hôtelier de faire bonne impression avant même que vous ayez mis les pieds dans votre chambre. Il peut annoncer un rabais au restaurant, avertir que votre chambre est prête plus tôt ou que la piscine est en réparation.

Le deuxième, l'outil de commentaires en temps réel, permet à l'hôtelier de savoir si vous êtes satisfait de votre chambre dès votre arrivée.

«Le client reçoit une notification d'Expedia dans sa boîte courriel, explique David Debeule, directeur régional du Québec pour Expedia. On lui demande de répondre à un mini-sondage qui touche l'enregistrement, la découverte de la chambre et l'emplacement de l'hôtel. On utilise simplement des émoticônes "bonhomme triste rouge" et "bonhomme sourire vert".»

L'hôtelier a ainsi la possibilité de rectifier le tir alors que le client est encore sur place: nettoyer la chambre, offrir une chambre plus calme ou plus spacieuse, etc. Il peut aussi déceler qui sont ses employés les moins efficaces.

«Une partie de l'insatisfaction peut être réglée avec cet outil qui permet au client de se sentir écouté. Reconnaître le problème permet d'avoir plus d'empathie avec le client et de commencer un dialogue.»

À Montréal, l'Hôtel St-Paul et le Marriott Residence Inn Montréal Westmount sont de ceux qui testent les nouveaux outils depuis plusieurs mois.

«Au départ, les clients qui se faisaient contacter par l'hôtel voyaient ça comme une opportunité de demander un surclassement gratuit, explique le directeur E-commerce des deux hôtels, Guillaume Dupuis. On a remarqué que ce sont finalement les petits détails qui apportent une plus grande satisfaction. On a donc invité les clients à nous communiquer leurs préférences: s'ils étaient allergiques aux plumes, sensibles à certains nettoyants ou irrités par le bruit de l'ascenseur, par exemple.»

Depuis la mise en place des nouveaux outils, Expedia a noté une amélioration de 10 % sur le score d'appréciation de sa clientèle.

«En mettant beaucoup d'efforts, en ciblant les clients contents et en allant les encourager à mettre un commentaire positif sur TripAdvisor, l'Hôtel St-Paul a fait un bond de sept places», affirme Guillaume Dupuis.

Les outils sont intégrés dans la plateforme que les hôteliers utilisent déjà pour gérer la disponibilité de leurs chambres. Il n'y a pas de frais supplémentaires pour les hôteliers, assure le directeur régional du Québec pour Expedia.

«Les partenaires hôteliers n'ont pas accès aux informations privées des clients qui réservent sur le site d'Expedia, précise David Debeule. C'est la raison pour laquelle on a développé l'outil de conversation Expedia, en réponse aux hôteliers qui souhaitaient prendre contact avec nos clients.»

Qui sont-ils?

1. Expedia, société américaine

Ses agences: Expedia.com, Hotels.com, Hotwire.com, Orbitz.com, Trivago (actionnaire majoritaire de l'entreprise allemande)

2. Goupe Priceline, groupe américain

Ses agences: Booking.com (site néerlandais établi à Amsterdam), Priceline.com, kayak.com

3. TripAdvisor, société américaine (avant 2011, était une filiale d'Expedia)

Photomontage Julien Chung, La Presse