Quand vient le temps de choisir des endroits où manger en vacances, bien des voyageurs se tournent vers les sites de recommandations alimentés par leurs semblables. TripAdvisor, Google, Facebook et Yelp sont parmi les sites auxquels se fient le plus les voyageurs. Les avis qu'on y trouve sont-ils dignes de confiance? Tour d'horizon.

Beaucoup de voyageurs aiment faire part de leurs trouvailles, de leurs bons (et moins bons) coups sur les sites de recommandations. Leur avis a un réel poids. Mais ces sites, auxquels se fient des millions de touristes, ne sont pas à l'abri des tricheurs.

Il est un petit restaurant dont la plupart des Montréalais n'ont jamais entendu parler mais qui, pourtant, récolte les honneurs sur les sites de critiques en ligne comme TripAdvisor et Yelp. «Nous avions hâte d'essayer ce restaurant qui est classé quatrième», écrit un utilisateur. «Nous avons choisi ce restaurant après l'avoir vu sur TripAdvisor», commente l'autre.

Pour la propriétaire du Robin Square, ne pas être prophète en sa ville n'est pas une surprise. Tout comme ne le sont plus les files d'attente sur le trottoir pour manger dans son restaurant, ouvert depuis un peu plus de deux ans. «L'été, il peut y avoir facilement une soixantaine de personnes qui attendent», dit Sylvia Robin.

Quand on regarde les restaurants de Montréal les plus populaires sur le site de critiques TripAdvisor, le Robin Square est en quelque sorte le mystère du lot. Bien que les résultats varient au fil des jours, il se classe la plupart du temps dans les cinq restaurants les plus prisés de la métropole, devant, entre autres, Toqué! et L'Express. Sur Yelp, il trône souvent au premier rang. Contrairement à d'autres restaurants qui tiennent le haut du classement de TripAdvisor, le Robin Square n'a pas véritablement connu de succès préalable auprès des Montréalais.

«Je n'ai aucune idée comment, ni pourquoi, on s'est retrouvés à cette position aussi vite. Au début, on était ouverts juste le midi, on faisait des paninis et des frites. Puis, on est devenus numéro 1! J'ai eu des appels de partout dans le monde de gens qui voulaient réserver pour le vendredi et le samedi soir», explique Sylvia Robin, propriétaire du Robin Square.

En conséquence, la propriétaire estime que 95 % de ses clients sont des touristes américains attirés par les recommandations des sites internet. La popularité est telle que le restaurant déménagera sous peu dans un local plus spacieux.

Une étude menée par TripAdvisor il y a trois ans a montré que 80 % des voyageurs qui consultent le site estiment que les critiques les rendent «plus confiants» dans leurs décisions liées au voyage. La moitié des répondants disaient consulter le site avant de choisir un restaurant, tandis que 77 % le faisaient avant de choisir un hôtel.

Être et ne pas être

La firme montréalaise Adviso aide ses clients - parmi lesquels figurent des restaurants et des hôtels - à susciter les commentaires des visiteurs sur les sites de recommandations. De mauvaises critiques ou, pis, une absence quasi totale sur une plateforme donnée peuvent faire des dommages.

«On peut tuer des business avec ça. Un restaurant qui a eu une mauvaise soirée à laquelle assistaient quatre personnes qui ont un bon karma sur TripAdvisor peut en souffrir», dit Jean-François Renaud.

Sur la page Facebook d'un restaurant des Laurentides, un homme s'insurge. «J'espérais amener ma famille à votre restaurant, mais après avoir lu les critiques en ligne, j'ai changé d'idée. Les trois quarts des critiques sont mauvaises. De nos jours, les restaurateurs devraient porter attention aux médias sociaux...»

Un avis partagé par Jean-François Renaud, d'Adviso. Il ne faut surtout pas ignorer l'existence de ces réseaux.

«Il y a la notion d'existence: pour les milléniaux, si tu n'as pas 20 critiques, tu n'existes pas.»

La question se pose: certains sont-ils prêts à tout pour exister? «Parfois, le commerçant lui-même va se donner une bonne cote et va demander à sa famille et à ses amis de faire la même chose. Parallèlement, d'autres vont faire la même chose, mais négativement, avec leur concurrent direct», explique Sophie Thériault, membre de l'organisme Crypto Québec, qui s'est donné pour mandat d'aider le public à avoir une «meilleure hygiène numérique».

Avant même que L'Atelier de Joël Robuchon n'ouvre ses portes en décembre, au Casino de Montréal, il avait déjà recueilli des notes sur Facebook, ce qui a été relevé par le site spécialisé Eater. Parmi ceux qui avaient accordé la note parfaite de cinq étoiles figurait un employé du restaurant.

D'autres vont plus loin que de demander aux amis et à la famille de bien coter leur établissement. «C'est une pratique qui se professionnalise, il y a un marché noir, dit Geneviève Lajeunesse, également de Crypto Québec. Ce sont de vrais détenteurs de comptes qui sont recrutés pour écrire des avis. Ils se font même expliquer comment utiliser la technologie pour ne pas se faire reconnaître.»

«Il y a encore moyen d'acheter des critiques positives, confirme Jean-François Renaud. Mais c'est la job des plateformes de détecter ce genre de fraude, et elles ont toutes sortes de manières de le faire. Pour une entreprise, acheter de fausses critiques ou de faux "j'aime", ce n'est pas une stratégie durable.»

De stratégie, Sylvia Robin, du Robin Square, assure qu'elle n'en avait aucune, sinon d'assurer un service impeccable dans son restaurant. «Je me sens mal d'aller pêcher les clients. Je me suis fait approcher des milliers de fois pour faire du marketing, des gens voulaient s'occuper de ma page Facebook, mais tant qu'à payer pour ça, on va le faire nous-mêmes», dit-elle.

Si elle estime qu'elle et son équipe «récoltent les fruits de leur passion», reste que la popularité virtuelle est doublée d'une pression supplémentaire. «Les clients ont de très hautes attentes», conclut Sylvia Robin.

Comment faire le bon choix?

Varier les sources

«Moi, je fais d'autres recherches que les sites de critiques. J'accompagne en général ma recherche d'information venue d'experts, comme un blogueur en qui j'ai confiance. C'est un mélange des deux, pour moi, et j'encourage les gens à être prudents, à cause des fausses critiques et des abus. Mais c'est certain que ça aide d'aller en voir pour prendre une décision en tant que consommateur.» - Jean-François Renaud, cofondateur d'Adviso

Savoir détecter le vrai du faux

À partir de recherches sur les critiques en ligne, l'Université Cornell, dans l'État de New York, a conçu, il y a quelques années, un outil informatique qui permet d'identifier les fausses critiques. Selon l'université, le taux de succès de son outil «Review Skeptic» est de 90 %. Pour l'utiliser, il suffit d'entrer le texte de la critique (de préférence en anglais) pour obtenir une appréciation.

Se fier à ses amis

En se connectant aux sites de critiques en ligne avec notre compte Facebook, par exemple, on aura d'abord accès aux critiques écrites par des gens de notre réseau. C'est une bonne manière de découvrir des endroits un peu moins fréquentés, mais testés par des gens que l'on connaît.

PHOTO FOURNIE PAR LE ROBIN SQUARE

Quand on regarde les restaurants de Montréal les plus populaires sur le site de critiques TripAdvisor, le Robin Square est en quelque sorte le mystère du lot. Bien que les résultats varient au fil des jours, il se classe la plupart du temps dans les cinq restaurants les plus prisés de la métropole, devant, entre autres, Toqué! et L'Express.

Le choix populaire soumis au test

Nous avons demandé à des gens qui gagnent leur vie en faisant la critique des restaurants de nous dire ce qu'ils pensent du top 5 établi par TripAdvisor dans leur ville. Est-ce qu'un touriste qui se fierait à cette liste, qui change constamment, serait bien servi? Coup d'oeil en trois arrêts.

Montréal

1. Le Filet

2. Les Deux Singes de Montarvie

3. Damas

4. Le Robin Square

5. Le Club Chasse et Pêche

«Damas, Club Chasse et Pêche et Le Filet sont d'excellentes recommandations. Les Deux Singes, je n'y suis pas allée depuis longtemps, notamment parce que j'avais été bien déçue la dernière fois. Donc, difficile de commenter. Mais ce n'est pas une grande vedette chez les foodies montréalais sérieux qui préfèrent Lawrence, par exemple, dans le même quartier. Robin Square? Aucune idée! Ce n'est pas un restaurant dont l'univers gastronomique montréalais parle souvent. C'est à côté de mon travail, et je ne le connaissais pas. Toutefois, il est à la fois dans un quartier touristique, le Vieux-Montréal, et en retrait des zones très achalandées où sont les attrape-touristes, ce qui explique peut-être l'affection que les visiteurs lui portent.» - Marie-Claude Lortie, La Presse

Londres

1. The Golden Chippy

2. Liman Restaurant

3. Taste of Nawab

4. Gastronhome

5. The Five Fields

«C'est assez intéressant, parce que je n'ai entendu parler d'aucun des restaurants présents dans le top 5. Je suis étonné de constater que, dans les cinq premiers restaurants, aucun d'entre eux n'est réellement fréquenté par les Londoniens... Il y a beaucoup de restaurants plus populaires à Londres, et je n'en vois aucun dans la liste. C'est surprenant parce que j'utilise moi-même TripAdvisor quand je voyage.» - Luiz Hara, auteur du blogue The London Foodie

Vancouver

1. Blue Water Cafe

2. Five Sails Restaurant

3. AnnaLena

4. Salmon n'Bannock

5. Trafalgars Bistro

«Je dirais qu'un voyageur ne serait pas nécessairement déçu en allant à ces restaurants, mais ils ne représentent pas le meilleur de Vancouver ni ce qui est au sommet de la liste des foodies», nous écrit la journaliste. Elle estime que le Blue Water Cafe, par exemple, est «bon». «Je n'y vois pas de problème. Mais le restaurant Hawksworth reçoit tous les honneurs ces temps-ci et il n'est même pas sur la liste», nuance-t-elle. - Mia Stainsby, critique de restaurants du Vancouver Sun

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Ces listes sont tirées de TripAdvisor. Le rang de chaque restaurant change fréquemment sur le site, au gré des commentaires des internautes. Nous reproduisons les listes telles qu'elles étaient présentées au moment où nous avons demandé l'avis des critiques cités.

Photo Robert Skinner, archives La Presse

Le restaurant Damas